Journal de l'année Édition 1993 1993Éd. 1993

Bilan économique

Trois millions de chômeurs : ce seuil a obsédé le gouvernement tout au long de l'année 1992. Il fallait contenir le chômage en deçà, coûte que coûte, avant les législatives de mars 1993. Et limiter le phénomène d'exclusion qui mine patiemment les bases de la société.

La croissance n'étant pas au rendez-vous, ce pari s'est avéré beaucoup plus difficile à tenir que prévu. L'emploi a continué à se dégrader sur un rythme de plus de 50 000 postes par an. Il a donc fallu trouver autre chose pour ne pas atteindre la barre fatidique.

Le traitement social du chômage n'avait pas, depuis longtemps, été poussé si loin. Il a eu, pendant l'année 1992, un visage : celui de Martine Aubry, ministre du Travail du gouvernement Édith Cresson et du gouvernement Pierre Bérégovoy. Conformément à la promesse formulée par le Premier ministre dans son discours d'investiture, 900 000 chômeurs de longue durée se sont vu proposer un emploi ou un stage. Par ailleurs, les associations ou les municipalités ont été poussées à signer le plus possible de contrats emploi-solidarité. Les chômeurs peu empressés d'accepter un emploi ont été rayés des listes. Ce n'est qu'à ce prix que la progression du taux de chômage a été contenue. Mais les licenciements économiques ont progressé à un rythme de 8 %...

Chômage

En septembre 1992, il atteint 4,8 % de la population active en Allemagne (contre 4,6 % en septembre 1991), 10,1 % en France (8,9 %), 11 % en Grande-Bretagne (7,0 %), 10,6 % en Italie (9,9 %), 7,5 % aux États-Unis (5,7 %) et 2,2 % au Japon (2,1 %).

L'accroissement du déficit budgétaire a permis de placer l'économie sous perfusion. Certes, le gouvernement a renoncé à pratiquer une politique de relance volontariste, dont l'expérience a montré les limites. Mais, plus discrètement, il a laissé filer le déficit : la baisse des recettes fiscales liée au ralentissement de l'économie (TVA, par exemple) n'a pas été compensée par une réduction des dépenses. Résultat, alors que dans la loi de finances initiale, le gouvernement prévoyait pour 1992 un déficit de 89,5 milliards de francs, celui-ci a finalement atteint 184 milliards de francs. Le gouvernement a accru le déficit public total de la France jusqu'à près de 3 % du PIB, soit la limite jugée raisonnable par le traité de Maastricht. Ce dérapage a permis de soutenir une activité encore déprimée. Mais l'opposition a fait de sa dénonciation un de ses meilleurs chevaux de bataille : le service de la dette (169 milliards de francs) n'est-il pas devenu le deuxième budget de l'État derrière l'éducation ? Pour éviter ces déficits, il faut privatiser, répète Édouard Balladur. Les socialistes se sont bornés à vendre quelques participations publiques.

Le PIB de la France en 1992 est estimé à 7 115 milliards de francs. Pour demeurer en deçà des 3 % du PIB, les déficits publics cumulés (État, Sécurité sociale, UNEDIC, collectivités locales) ne doivent pas dépasser les 213 milliards.

Les prélèvements obligatoires de 1992 représentent 43,5 % du PIB (contre 43,9 % en 1991), dont 22,9 % pour les impôts (15,1 % État, 6,3 % collectivités locales, 1,2 % Communauté européenne) et 20,6 % pour les prélèvements sociaux.

Les cessions d'actifs, engagées sous le gouvernement d'Édith Cresson et poursuivies par son successeur, auront permis de récolter en un an (de novembre à novembre) 17 milliards de francs. Une somme qui n'est pas négligeable, puisqu'elle représente près de 10 % du déficit budgétaire de 1992. L'État a vendu une partie de sa participation dans le capital Crédit local de France (22 %), dans Elf Aquitaine (2,3 %), dans Total (19 %), dans Rhône-Poulenc (10,5 %), et dans la Caisse nationale de prévoyance (30 %, cédés à la Caisse des dépôts, un organisme public). Le fruit des trois premières cessions a été investi dans le plan emploi, et le reste a permis de doter les entreprises publiques de capitaux frais.

Inflation

De septembre 1991 à septembre 1992, les prix à la consommation ont augmenté de 3,6 % en Allemagne, 2,6 % en France, 3,9 % en Grande-Bretagne, 5,5 % en Italie, 3,1 % aux États-Unis et 1,7 % au Japon.

La « désinflation compétitive », chère à la fois à Pierre Bérégovoy et à Édouard Balladur, a été poursuivie malgré la crise, et la défense de la monnaie est restée au cœur de la politique économique française... Le but de la stratégie de désinflation compétitive est de gagner des parts de marché à l'exportation en maîtrisant mieux l'inflation, les déficits, les coûts que ne le font les concurrents. De fait, la France a affiché en 1992 une hausse des prix de moins de 3 %, plus modérée que dans la plupart des pays du système monétaire européen. Malgré cet écart d'inflation, le franc n'a pas été réévalué par rapport à ses partenaires européens, du moins avant la crise de septembre. Conclusion, le made in France s'est vendu moins cher : il est devenu plus compétitif.