Journal de l'année Édition 1993 1993Éd. 1993

Maghreb

Tous les pays du Maghreb sont aux prises avec un double défi, celui de la réforme dans la stabilité politique, celui de l'adaptation ou d'un ajustement à l'environnement international. Tous affrontent, avec des résultats variables, une opposition dont les complexes et divers mouvements islamistes sont les composantes les plus voyantes, surtout en Algérie et en Tunisie, et dans une moindre mesure en Libye, mais jamais les seules.

Libye

Le colonel Kadhafi doit compter avec une triple opposition : islamiste, présente jusque dans l'armée ; « constitutionnelle », en exil autour du Front national pour le salut de la Libye, où figure l'héritier du roi Idriss ; intérieure, au sein des comités révolutionnaires, dont le journal Al Jamahiriya demande la réforme du Congrès général du peuple (sorte de parlement). Mais la Libye est surtout en butte aux sanctions économiques européennes et américaines depuis 1986 et, surtout, à l'embargo militaire et aérien décidé en mars 1992 par le Conseil de sécurité de l'ONU, lié aux implications libyennes dans les attentats de décembre 1988 contre un appareil de la Panam et de septembre 1989 contre un DC 10 d'UTA. Cette pression est la vraie menace au long et mystérieux « règne » du colonel Kadhafi.

La résolution 748, adoptée le 31 mars par le Conseil de sécurité, oblige tous les États membres de l'ONU à appliquer les sanctions contre la Libye et à les maintenir jusqu'à ce que le Conseil estime que la Libye ait satisfait à ses demandes. Le Conseil réexamine la situation tous les 120 jours. La résolution prévoit un embargo aérien, un embargo sur les ventes d'armes et une réduction du personnel diplomatique.

Libye

En décembre 1991, un coup d'État contre le colonel Kadhafi a été déjoué. Il aurait été préparé par de jeunes officiers en contact avec les États-Unis.

Libye

En juin, le journal Al-Jamahiriya, organe du parti officiel des Comités révolutionnaires, publie une adresse à Muammar Kadhafi : « Nous refusons tes convictions sur l'arabisme et l'islam. Tu peux suivre ton mirage. Mais cette fois nous ne te suivrons pas [...]. Nous préférons traiter avec les États-Unis plutôt qu'avec les Arabes car nous avons compris que nos intérêts priment et nous n'avons rien obtenu des Arabes pour lesquels nous avons tout sacrifié. »

Maroc

En matière commerciale et financière, le Maroc compte sur la bonne volonté du Club de Paris – qui accepte en février un nouveau rééchelonnement de sa dette –, des Organisations internationales, des États-Unis et des pays arabes riches (Koweït, Arabie Saoudite, Libye) et même de la CE, en dépit d'accrochages sur la question des droits de l'homme. Cependant, son patronat se montre inquiet de la baisse des droits de douane qui ouvrent le marché marocain à l'étranger ; ses syndicats, soutenus par les partis de gauche et l'Istiqlal, protestent contre la dégradation de la situation sociale ; les organisations de défense des droits de l'homme et Amnesty International dénoncent les détentions arbitraires, les universités sont périodiquement agitées par de sérieux affrontements entre « gauchistes » et « islamistes ». Le roi Hassan II ne semble pas moins en mesure de contrôler l'ensemble, et il y réussit bien : dans le débat sur la loi électorale, les partis d'opposition ont sollicité son arbitrage. Le souverain a retenu certaines propositions sur le financement des partis, le contrôle des élections et l'accès aux médias, mais le mode de scrutin ne fut pas modifié, ce qui a poussé l'opposition (essentiellement l'Istiqlal et l'Union socialiste des forces populaires) à constituer un « Bloc démocratique » (en mai) et à refuser de voter (en juin) la nouvelle loi électorale. Le roi réussit même si bien que le référendum constitutionnel du 4 septembre, qui accroît les prérogatives du Parlement et crée un Conseil constitutionnel, enregistra, malgré l'appel au « non » de la majorité du Bloc démocratique et des syndicats, 99, 98 % de oui pour 97 % de participation. Incidemment, le référendum se déroula aussi au Sahara occidental, où le Maroc, en dépit de l'opposition, assez discrète mais toujours réelle, de l'Algérie et à la faveur d'un cessez-le-feu garanti par l'ONU tente, en favorisant les « ralliements », de se mettre en position de gagner la paix ; de ce fait, le plan de paix de l'ONU voit son application bloquée depuis un an.