Journal de l'année Édition 1993 1993Éd. 1993

Albertville 92, XVIe jeux Olympiques d'hiver

8 février 1992 : François Mitterrand déclare l'ouverture des XVIe jeux Olympiques d'Albertville et de la Savoie. 23 février 1992 : Juan Antonio Samaranch, président du Comité international olympique, en proclame la fermeture.

Entre les deux cérémonies, superbement mises en scène par Philippe Decouflé, un jeune chorégraphe de 30 ans nourri au lait pétillant de Jean-Paul Goude, quinze jours d'exploits, d'images fortes.

Vus de France, c'est vrai que ces Jeux ont été un franc succès. Personne ne le conteste. Grâce notamment à Jean-Claude Killy et à Michel Barnier, coprésidents du COJO d'Albertville, grâce aussi à tous ceux qu'ils ont su entraîner dans leur sillage.

On ne peut pas dire pourtant que l'affaire était gagnée d'avance. Dieu sait si la Savoie a traîné les pieds au début des années 80, lorsque l'idée a été lancée ; Dieu sait si le duo Killy-Barnier a dû jouer de son charisme pour vaincre résistances et scepticismes bien longtemps encore après le 17 octobre 1986, date d'attribution des Jeux d'Albertville par le CIO.

Au cours de cette période, rien en effet ne lui a été épargné. Les critiques ont fusé de partout. Notamment de la presse anglo-saxonne et allemande, qui n'a pas eu de mots assez durs pour dénoncer l'aventure olympique d'Albertville. Du désastre écologique au gouffre financier, tout y est passé. Jean-Claude Killy a même été accusé de sacrifier les Jeux aux affaires, à la télévision et à la construction autoroutière.

Le mauvais temps n'a pas provoqué de reports en cascade des épreuves. Seul le super-G féminin a dû être reporté d'une journée. Une performance d'organisation qui ne s'était jamais vue auparavant.

La vigilance des 8 000 bénévoles n'a pas été prise en défaut. Les forces de sécurité n'ont pas eu à mettre en œuvre les dispositifs d'alerte. Bref, un bilan dans l'ensemble positif, même si, pour Marielle Goitschel, la dispersion des sites (13 au total) et la durée excessive des compétitions ont tué l'esprit de la fête olympique. Comment pouvait-on être partout à la fois ? Il n'y a pas eu ce sentiment de fraternité qui naît de la réunion dans un village olympique de toutes les disciplines, a même renchéri l'Espagnole Blanca Fernández-Ochoa, dont c'était la quatrième participation. Mais est-ce vraiment envisageable alors qu'entre les Jeux de Grenoble (1968) et ceux d'Albertville le nombre des épreuves est passé de 35 à 57 ?

Une inflation inquiétante qui pousse déjà certains membres du CIO à s'interroger sur la nécessité d'inclure dans le prochain programme olympique les trois disciplines de démonstration testées en Savoie, à savoir le curling, le kilomètre lancé et le ballet à ski. Des sports dont la pratique exige de surcroît des infrastructures bien particulières et trop onéreuses. Ainsi, pour avoir accueilli le curling, le petit village de Pralognan-la-Vanoise se retrouve en quasi-faillite à la suite de la construction d'une patinoire de 33 millions de francs, dont 50 % à sa charge.

Comment résoudre le problème de la gestion d'équipements sportifs forcément coûteux et l'indispensable pause financière pour des communes endettées au-delà du raisonnable ? Tel est l'un des effets pervers majeurs des Jeux, que l'État, les collectivités locales et les banques vont devoir résoudre une fois la fête terminée.

Une grand-messe de la neige où l'Allemagne unifiée a terminé en tête au classement des nations, grâce, notamment, à la présence dans ses rangs des champions de l'ancienne RDA (20 médailles sur 26), mais dont la grande révélation a été la Norvège, qui, avec ses 20 médailles, la plupart obtenues dans les disciplines les plus prestigieuses, a bien préparé Lillehammer, où se dérouleront, dans deux ans, les prochains Jeux. Un rendez-vous que la Suisse (3 médailles seulement contre 15 à Calgary) tentera cette fois de ne pas manquer.

Dans ce contexte, le bilan de la France a été conforme aux prévisions. Ni plus ni moins. Malgré une première semaine de rêve marquée par les titres de Fabrice Guy au combiné nordique, d'Edgar Grospiron dans la descente des bosses et de l'équipe féminine de biathlon, le compte s'est arrêté à neuf, comme à Grenoble, en 1968.