La crise yougoslave

En 1992, la Yougoslavie cesse d'exister sous sa forme traditionnelle, composée de six républiques (Serbie, Croatie, Slovénie, Bosnie-Herzégovine, Macédoine et Monténégro) et de deux régions autonomes (Kosovo et Voïvodine), et fait place à une Fédération serbo-monténégrine. La Slovénie et la Croatie, autoproclamées indépendantes en 1991, sont reconnues en janvier 1992 par la Communauté européenne et de nombreux autres pays.

La Bosnie-Herzégovine

La Bosnie-Herzégovine, également reconnue comme indépendante par la Communauté européenne, est désormais déchirée par la guerre civile. Il y existait cependant de longues traditions de haine entre les Serbes (plus de 32 % de la population), les Croates (plus de 18 %) et les Musulmans (plus de 44 %). Les Serbes, plus puissants et mieux armés, occupent durant cette année plus des deux tiers du territoire. Ainsi, le gouvernement musulman de Sarajevo se retrouve face à la république autoproclamée des Serbes de Bosnie et à celle des Croates.

Les Serbes, puissamment aidés par l'armée fédérale yougoslave, encerclent les agglomérations et les terrains habités par leurs adversaires, détruisent les maisons, chassent la population, provoquant l'exil de près d'un million de personnes. Ceux qui restent sont emprisonnés dans des camps d'où ils sont parfois libérés en échange de Serbes, prisonniers des Musulmans et des Croates. Les choses se compliquent souvent encore à cause des luttes entre les « alliés » croates et musulmans. Ce drame des populations perdure tout au long de l'année.

À la fin de l'année, Tadeusz Mazowiecki, ancien Premier ministre polonais, rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme de l'ONU, déclare : « la purification ethnique apparaît non pas comme la conséquence de la guerre en Bosnie-Herzégovine, mais plutôt comme son objectif. Ce but a, dans une large mesure, été atteint par voie de meurtres, passages à tabac, viols, destructions de maisons et menaces. » Selon maints observateurs étrangers, le principal coupable de cette tragédie est le gouvernement serbe dirigé par le Premier ministre nationaliste ex-communiste Slobodan Milosevic – et avec le soutien considérable de la majorité des populations serbes, tant en Croatie qu'en Bosnie-Herzégovine. Les dirigeants de la nouvelle Fédération, le président Dobrica Cosic, élu le 15 juin 1992, et le Premier ministre Milan Panic, nommé le 2 juillet, essaient de trouver une solution pacifique. Les nationalistes crient à la trahison. M. Cosic, célèbre écrivain serbe, désavoue publiquement M. Milosevic, élu en octobre président du parti socialiste de Serbie, tout en critiquant le comportement conciliateur de son Premier ministre Milan Panic.

La communauté internationale intervient tardivement et de façon vague pour convaincre les parties combattantes de se soumettre à un règlement pacifique. Ainsi, le Conseil de sécurité de l'ONU vote le 30 mai un embargo commercial pétrolier et aérien contre la Serbie, renforcé le 16 novembre.

En octobre, le Conseil de sécurité de l'ONU institue une commission d'enquête sur les crimes de guerre dans l'ex-Yougoslavie – pour la première fois depuis le procès de Nuremberg. Le nombre des forces de l'ONU en Yougoslavie dépasse 15 000 soldats ; s'y ajoutent quelques centaines d'observateurs.

La situation en Yougoslavie demeure mouvante. Les zones dominées par les Serbes ne cessent de croître ; les régions croates et musulmanes rétrécissent. Un référendum en Bosnie, en février, donne presque 100 % des voix favorables à l'indépendance de cette république, et c'est le début des massacres au nom de la « purification ethnique ». Contrairement aux Croates et aux Musulmans, les Serbes n'acceptent pas ce résultat du référendum, où seulement 63 % des inscrits ont voté. À l'issue du référendum, les Bosniaques élisent pour président Alija Izetbegovitch, la seule haute personnalité ex-Yougoslave qui n'ait jamais été membre de la Ligue des communistes yougoslaves. Le 21 juillet, Izetbegovitch conclut un accord de coopération avec la Croatie, qui fonctionne tant bien que mal jusqu'à la fin de l'année. Le gouvernement de Bosnie ne semble pas favorable à un compromis. Son ministre des Affaires étrangères Haris Siladzik déclare le 10 août : « Il n'y a pas de solution politique : la libération de notre pays ne se fera que par les armes. »