Journal de l'année Édition 1993 1993Éd. 1993

Danse

La capitale et la province ne sont pas à égalité. Sans heurt, mais comme pour la musique, le renouveau se vit au-delà du périphérique. La politique artistique des Régions, plus incitative, a laissé à Paris le soin de représenter la danse – ni laide ni ennuyeuse – académique ou contemporaine... à la mode.

Paris s'est abrité derrière la suprématie de la troupe du palais Garnier telle que l'affichait la reprise de la Sylphide (reconstituée par Pierre Lacotte en 1972) et en prenant d'assaut l'Opéra de la Bastille pour vingt représentations fastueuses du Lac des cygnes (restitué par Patrice Bart) dont on retiendra les somptueux costumes de Tomio Mohri, inspirés du théâtre nô et du kabuki. Cela, même si la danse contemporaine entra dans le saint des saints à trois reprises : grâce à Daniel Larrieu et Odile Duboc, puis à Merce Cunningham, Aivin Ailey et Dominique Bagouet (disparu en décembre). Les premiers, invités par Patrick Dupont et bravant les difficultés inhérentes au climat de la maison, ont préparé deux ballets spécialement créés pour la troupe (Retours de scène et Attentat poétique). Les autres ont succédé à la très attendue Bayadère de Rudolph Noureïev et représentaient la danse du xxe siècle pour la première fois depuis la suppression du Groupe de recherche chorégraphique de l'Opéra de Paris (en 1989), avec quelques créations : Dance at the Gym (Alvin Ailey), So schnell et One story as in Falling (D. Bagouet).

Passage obligé des géants étrangers. Découverte il y a vingt ans, la nouvelle vague détectée par Michel Guy meublait la saison du Châtelet et du Théâtre de la Ville (Forsythe, Cunningham, Meredith Monk, Douglas Dun). Elle contribua à la bonne marche d'un Festival d'automne sans surprise. Les stars des années 80 ont fait figure d'académistes de la nouvelle danse et durent, pour surprendre, avoir recours à des artifices volés au théâtre et aux autres arts de la scène ; artifices auxquels le public a fini par s'habituer.

Les Régions ont pris des risques et montré une véritable vocation, que ce soit en donnant à la danse ancienne ses lettres de noblesse, hors de la tragédie lyrique qui la fit connaître (Ballet du Rhin : Jason et Médée de Noverre), ou encore, en cherchant des successeurs aux incontournables de la dernière décennie. Plusieurs villes (dont Strasbourg et Lille) ont tourné leurs regards vers l'Europe du Sud et montré le travail en Région en invitant de jeunes chorégraphes portugais, espagnols, italiens, suisses. Montpellier-danse, désireux de présenter le paysage culturel découvert dans l'Empire ottoman par les juifs chassés d'Espagne, s'est octroyé la collaboration de Kudsi Erguner, directeur d'une confrérie de derviches tourneurs. Ce festival a également offert au monde de la danse la révélation de l'année : Doug Elkins, New-Yorkais dont le style inspiré du rap, de la capoeira brésilienne et des arts martiaux s'est développé dans ses échanges avec la rue. Il a travaillé avec le Mega cool rap Montpellier. Les scènes de la périphérie assument leur rôle de relais, intensifiant parfois leurs activités annexes (stages, information). Depuis la création des troupes subventionnées en Région, la danse contemporaine est disséminée, mais elle exige de son public suffisamment d'effort pour lui rendre en retour dynamisme et originalité.

Catherine Michaud-Pradeilles

Solo

Après le départ de l'administrateur général de l'Opéra de la Bastille Georges-François Hirsch, Brigitte Lefevre, déléguée de la danse à la Direction de la musique et de la danse, a été nommée administratrice de l'Opéra Garnier.

Béjart s'en est allé

Il a annoncé dès le début de l'année sa décision de dissoudre sa compagnie (le Ballet du xxe siècle), non sans avoir offert une ultime chorégraphie à Sylvie Guillem et Laurent Hillaire (Episodes).

Picasso et la danse

Le palais Garnier a rendu hommage au grand peintre en reprenant trois ballets dont il avait créé les décors : le Train bleu (costumes de Chanel), Rendez-vous (de Roland Petit) et le Tricorne, sur des musiques respectives de Darius Milhaud, Vladimir Kosma et Manuel de Falla.

J'accuse

Claude Bessy, pessimiste quant à l'avenir professionnel des danseurs, a déploré que la politique d'aide à la création mise en place par le ministère de la Culture se développe trop au détriment de la danse classique. En réponse, Thierry Leroy, directeur de la musique et de la danse, a fait part de projets touchant à la carrière des danseurs dans les théâtres lyriques nationaux.