Agriculture

Le 21 mai 1992, le projet de réforme de la politique agricole commune (PAC) a été approuvé après un an de négociations par les ministres de l'Agriculture de la Communauté européenne. Cette décision marque un tournant historique à deux égards : d'une part, le système d'encouragement à la production, à travers une politique de garantie des prix, est remis en cause ; d'autre part, l'agriculture européenne, et notamment française, doit s'engager dans d'importantes transformations structurelles.

Chiffres

L'agriculture française est la première de la CE, avec 23,8 % de la production totale (chiffre 1990). Entre 1950 et 1988, les superficies cultivées sont passées de 33,5 millions d'hectares à 31,3 millions. Entre 1955 et 1990, l'emploi agricole a chuté de plus de 5 millions à moins de 1,3 million. L'agriculture représente 3,6 % du PIB français (auxquels s'ajoutent 3,2 % des industries agroalimentaires).

Excédents

De toutes les politiques communes prévues par le traité de Rome du 25 mars 1957, la politique agricole commune a été conçue pour permettre à l'Europe d'atteindre pratiquement l'autosuffisance. Dans cette course aux rendements, le secteur des productions de masse (céréales, betterave, oléagineux, lait, viande de bœuf et de veau) a été favorisé.

Dès le début des années 1970, la Communauté européenne devenait excédentaire dans la plupart des productions agricoles. Elle a été contrainte de chercher des débouchés extérieurs, concurrençant ainsi les grands exportateurs traditionnels : États-Unis, Canada, Nouvelle-Zélande, Australie et pays d'Amérique du Sud (Brésil et Argentine surtout). Plus particulièrement, la France a, depuis plus d'une dizaine d'années, dégagé des excédents substantiels de la balance des échanges agroalimentaires (51 milliards de francs en 1989, 52,1 en 1990, et 44 en 1991) ; elle s'est alors classée au deuxième rang mondial des exportateurs nets de produits agricoles, loin derrière les États-Unis, et devant les Pays-Bas.

Cependant, cette réussite cachait d'importants dysfonctionnements, de moins en moins supportables du point de vue financier. En effet, la PAC avait fini par créer un double marché des prix totalement artificiel. Elle avait provoqué un emballement des dépenses communautaires : en dix ans, le stock des excédents et leur liquidation à bas prix sur les marchés internationaux avaient entraîné un triplement du budget de garantie du Fonds européen d'orientation et de garantie agricoles (FEOGA), soit environ 30 milliards d'écus par an, c'est-à-dire l'équivalent du budget national de la Grèce ou de l'Irlande.

Le revenu agricole 1992 est en recul de 5,9 % par rapport à l'année précédente. Depuis 1973, le revenu net agricole par exploitation n'a pas cessé d'être en recul par rapport au revenu disponible par habitant. En 1973, ils étaient équivalents à l'indice 120 (base 100 en 1970) pour atteindre, en 1992, 164 pour le second contre 115 seulement pour le premier.

Nouvelle PAC

La réforme du mois de mai aboutira, à partir du 1er janvier 1993, à substituer progressivement au système actuel de soutien des cours des produits agricoles européens un dispositif d'aides directes à l'exploitant, sur un modèle rappelant celui qui existe aux États-Unis. Ce qui est ainsi préconisé, ce n'est pas de dépenser moins mais de dépenser différemment : la nouvelle PAC vise à réorienter la production vers des secteurs non excédentaires, à développer une agriculture extensive et non plus intensive, et donc à lutter contre la désertification. En effet, pour les grandes exploitations, l'attribution d'aides aux producteurs est subordonnée à la mise en œuvre du gel d'une partie des surfaces de l'exploitation (15 % dans un premier temps), ce gel étant lui-même indemnisé ; ce qui n'est pas le cas aux États-Unis où les mises en jachère ne sont pas indemnisées.

Malgré ses avantages, la réforme inquiète fortement les agriculteurs, qui manifestent, parfois avec violence, dans de nombreuses régions de France. Plusieurs simulations économiques (notamment celle de l'INSEE en octobre) ont beau démontrer que le revenu agricole baisserait davantage sans la réforme, le monde rural a peur et refuse d'admettre son changement de statut : productivistes dans l'âme, les paysans ne veulent pas se considérer comme des « gardiens de la nature ».

Coût des politiques agricoles

Il atteint 97,5 milliards de dollars dans la Communauté européenne, contre 67,2 aux États-Unis et 57,8 au Japon.

GATT

La signature, le 20 novembre à Washington, entre les États-Unis et la Communauté européenne d'un compromis sur le volant agricole de l'Uruguay Round vient attiser à nouveau l'angoisse des campagnes. Dès le lendemain, le gouvernement français fait savoir qu'il juge ce compromis non compatible avec la réforme de la PAC, parce qu'il remet en cause les principes mêmes sur lesquels cette politique commune a été bâtie.