Tiers-monde

Au début de l'année, Lawrence Summers, un économiste de la Banque mondiale, écrivait dans une note interne (cf. Courrier international du 20/2/92) : « Soit dit entre nous, la Banque mondiale ne devrait-elle pas encourager une migration plus importante des industries polluantes vers les pays les moins avancés ? [...] J'ai toujours pensé que les pays sous-peuplés d'Afrique étaient largement sous-pollués ; la qualité de l'air y est probablement d'un niveau inutilement haut par rapport à Los Angeles ou à San Francisco. »

Ce langage sans détour (et largement condamné par la suite) avait au moins l'avantage, sinon de poser les nouveaux problèmes, du moins d'esquisser la nouvelle problématique des rapports Nord-Sud, qui se surajoute aux données classiques, dette, termes de l'échange ou pauvreté.

Le « marché » des déchets en pleine expansion

Entre 1986 et 1991, 175 millions de tonnes de déchets toxiques ont été mises en vente dans le monde, dont 10 ont été exportées. Les pays industriels, principaux producteurs de ces déchets, sont aussi ceux qui sont dotés des législations les plus strictes relatives à l'environnement. Il est donc extrêmement tentant pour eux de déverser leurs résidus toxiques vers d'autres pays peu regardants et avides de devises. L'Afrique, certaines nations d'Asie (Thaïlande, Philippines) ou d'Amérique latine (Mexique, Guatemala, Chili) ont été, lors des années 80, les principaux destinataires de ces polluantes exportations. Depuis, plusieurs gouvernements africains ont réagi en instituant des législations plus contraignantes. L'Europe de l'Est, en pleine dérive postcommuniste, s'est alors portée volontaire, notamment la Pologne, puis la Roumanie et les pays Baltes.

Rio

À la veille de la Conférence de Rio sur l'environnement (3-14 juin), on a cru que l'opposition entre pays riches et pays pauvres allait s'exacerber, les seconds reprochant aux premiers de leur imposer des principes écologiques qu'ils bafouent eux-mêmes. En fait, la Conférence s'est achevée sur un consensus inattendu : les principales résolutions (sur la forêt, la biodiversité, le climat et l'Agenda 21) ont été globalement acceptées par les pays du Sud. Celso Lafer, ministre brésilien des Affaires étrangères, explique ainsi la situation : « Les clivages traditionnels ont été bousculés en raison d'un principal facteur : le sujet proposé, environnement et développement, recouvre une substance trop complexe et trop vaste pour entraîner une bipolarisation. »

Récession

Pour le reste, le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement) livre en avril ses chiffres annuels : en 1991, pour la deuxième année consécutive, le revenu par tête des pays en voie de développement a, dans l'ensemble, reculé de 0,2 %, principalement en Afrique subsaharienne (– 1 %), dans le Maghreb (– 1,9 %) et au Proche-Orient (– 4,6 %). Toutefois, l'Amérique latine continuait globalement de progresser (+ 0,6 %), comme l'Asie du Sud-Est (+ 5,6 %). Certains se demandent si, s'agissant de pays très pauvres, le PNB constitue bien un indicateur significatif. Tient-il compte notamment de la destruction de l'environnement que provoque souvent l'exploitation forcenée des ressources naturelles ? Plusieurs économistes estiment qu'il faudrait dans certains cas diviser les chiffres officiels par près de la moitié pour tenir compte de la destruction du capital naturel.

Afrique subsaharienne

La sécheresse qui a frappé la région se traduit par un déficit de 25 % des précipitations au Soudan, dans une grande partie de l'Éthiopie, au nord du Kenya et de l'Ouganda, dans le centre et le sud du Zimbabwe, dans le sud-ouest du Mozambique et dans le sud du Malawi. On estime à 25 % également la production céréalière de la région.

« L'environnement en Afrique », in Afrique contemporaine no 161, mars 1992, la Documentation française.

Paul Roberts