Journal de l'année Édition 1993 1993Éd. 1993

Médias : les temps difficiles

Audiovisuel

La fin de La Cinq

Le dimanche 12 avril à minuit, la cinquième chaîne cessait ses émissions après une aventure souvent chaotique depuis 1985. Le 25 mars, Silvio Berlusconi avait annoncé l'abandon de son projet de reprise après que Hachette s'était retiré du capital à la fin de 1991. Gouffre financier pour le groupe Hersant tout d'abord, puis pour Hachette, La Cinq avait perdu 200 millions en 1986, 841 millions en 1987, autant en 1988, 562 millions en 1989, 646 millions en 1990 et plus d'un milliard en 1991. Les prévisions de déficit pour cette année se situaient à la même hauteur. Il ne fait aucun doute que la chaîne n'avait jamais trouvé un public susceptible de lui faire concurrencer sa grande rivale, TF1. En 1991, au plus fort de la guerre du Golfe, alors que La Cinq se mobilisait tout entière sur le conflit, son audience n'avait jamais été au-delà des 11 % alors que TF1 et A2 dépassaient chacune les 20 %.

Et, pendant que le magnat de la presse italienne cherchait des partenaires susceptibles de remplacer Hachette (qui perdit environ 2,8 milliards de F en deux ans dans l'opération), les concurrents, TF1 en tête, se chargèrent de décourager les groupes de communication tentés par l'aventure, tandis que d'importantes banques auraient reçu des ordres stricts afin de ne pas s'engager.

Toutes les chaînes se sont partagé l'audience de La Cinq défunte, TF1 se réservant toutefois la plus grosse part du gâteau, selon un sondage Médiamétrie. Dans les jours suivant l'écran noir, son audience avait grimpé de 3,60 points contre 2,70 à A2 et 2,60 pour FR3.

Se rangeant aux arguments de Canal Plus, le gouvernement a autorisé le 7 septembre la diffusion sur le satellite Télécom 2A de sept chaînes payantes en SECAM, accompagnées de quatre chaînes en D2 MAC pour la promotion du nouveau format d'écran 16/9 (haute définition). En contrepartie, Canal Plus participera à la promotion des chaînes utilisant la norme européenne D2 MAC et le nouveau format d'écran.

Le 4 août, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a sévèrement admonesté M. Hervé Bourges, P-DG d'A2 et FR3, à la suite des coupures publicitaires introduites dans plusieurs émissions de jeux telles que « Motus », « Que le meilleur gagne » et « Caméras indiscrètes ». Dans le même temps, TF1 s'est vue infliger une nouvelle amende de 30 millions de F pour n'avoir pas respecté ses quotas de diffusion d'oeuvres d'expression française aux heures de grande écoute.

Le pari d'Arte

La Cinq disparue, l'État exerça son droit de préemption sur le réseau afin d'y installer Arte, chaîne franco-allemande. Le 28 septembre, les téléspectateurs français ont découvert cette vision européenne de la culture (avec la diffusion des Ailes du désir de Wim Wenders) dont les programmes sont conçus à Paris par La Sept et à Baden-Baden par Art Deutschland TV. Les deux pôles diligentent leurs images vers Centrale Arte à Strasbourg, où l'on décide de la diffusion, peaufine la grille, fabrique l'information, procède au sous-titrage et aux doublages. Arte ouvre son antenne à 19 h par un documentaire avec une thématique particulière à chaque jour de la semaine (sciences, histoire, environnement, nature, faits de société). Le samedi est réservé à un long métrage-documentaire.

Dans un premier temps, Arte, qui jusqu'alors n'était diffusée que par le câble, devait démarrer le 4 septembre mais la grille, jugée trop élitiste, subit un sérieux lifting accompagné d'un changement à la tête de la direction des programmes. Alain Maneval, un quadragénaire qui a fait ses armes sur Europe 1, TF1 puis une chaîne privée marocaine fut alors nommé à la place d'André Harris.

Plus d'un milliard de téléspectateurs ont regardé en août la Tosca, l'opéra de Puccini retransmis en mondio-vision dans 107 pays depuis Rome dans les lieux et aux heures de l'action.

Presse écrite

Robert Hersant s'est-il placé hors la loi ? La question fut posée le 10 mars après l'annonce du rachat de trois quotidiens de province supplémentaires, le Courrier de l'Ouest et le Maine libre cédés par le groupe Amaury (le Parisien-l'Équipe) ainsi que l'Ardennais, repris à l'Est républicain. Le magnat de la presse française avait-il dépassé le seuil des 30 % de la diffusion totale des quotidiens nationaux et régionaux d'informations que fixe la loi ?