Toujours mieux représentés aux abords de la route du Soleil, les arts de la table résistent bien à la propagation du désert français : les cuisiniers de l'année, désignés par Gault et Millau, officient à Tours et à Reims, dans ces villes de la grande couronne que l'on considère volontiers comme stérilisées par la proximité de Paris. Charentais installé à Châteauroux, Jean Bardet s'est contenté de « monter » à Tours, où son restaurant reste à portée d'un potager à l'ancienne. Issu d'une lignée d'Auvergnats fixés à Vincennes, Gérard Boyer a restauré le château des Crayères, à Reims, au milieu d'un parc de sept hectares dont on rêve à Paris. Que ce soit Bardet, avec le turbot rôti à l'ache de montagne et le parmentier de pintadeau truffé, ou Boyer, avec l'escalope de morue fraîche à l'essence de champignons des bois et la viennoise de ris de veau au sésame, les cuisiniers de l'année magnifient des produits de ménagères par la juste cuisson et par des accompagnements subtils qui jouent sur la complémentarité ou le contraste.

La relève de ces artistes paraît si indispensable que les initiatives se multiplient pour conserver le patrimoine gastronomique et éduquer les jeunes générations : Jean-Robert Pitte vient de publier Gastronomie française, histoire d'une passion (Fayard) et, avec Alain Huetz de Lemps, les Restaurants dans le monde à travers les âges (Glénat). Le 14 octobre, au cours de la Journée du goût, cinq cents chefs de cuisine et artisans des métiers de bouche ont initié à leur art vingt mille écoliers parisiens. L'Institut français du goût, fondé par Jacques Puisais, et le Conseil national des arts culinaires, présidé par Michel Guérard puis par Alain Senderens, ont entrepris une action éducative programmée sur dix séances dans les écoles primaires.

Mieux préparées, ces jeunes générations sauront peut-être très tôt apprécier les saveurs et méditer la maxime de Gérard Boyer : « L'art, c'est ce qui reste quand on a enlevé le superflu. »

Georges Grelou

Tourisme

La fragilité et l'instabilité des flux touristiques ont été parfaitement illustrées au cours de l'année. Le premier semestre a été catastrophique par suite de la guerre du Golfe : en Égypte, les visiteurs ont diminué de moitié ; en Turquie et au Maghreb, l'hôtellerie a travaillé à perte. La récession a d'ailleurs atteint toutes les destinations méditerranéennes, la Yougoslavie pour des raisons d'insécurité, la Grèce, trop proche de l'Orient musulman, et même l'Espagne, qui a été pénalisée par une inflation proche de 8 % et par la désaffection de ses visiteurs.

En France, les inquiétudes initiales se sont finalement apaisées : à l'issue du premier semestre, l'excédent touristique s'est élevé à trente milliards de francs, soit 10 % de plus qu'en 1990. Retenus chez eux par la conjoncture internationale, les Américains et les Japonais ont été remplacés par un flot renforcé d'Européens, d'abord les Allemands, puis les Britanniques, les Belges et les Italiens. De plus, les Français ont moins voyagé à l'étranger : malgré le succès de l'année Mozart et des tours d'Europe en autocars, le chiffre d'affaires des tour-opérateurs a diminué de 15 % par rapport à 1990.

Au-delà de ce repli, peut-être provisoire, sur le territoire national, de nouveaux choix s'affirment pour les vacances prises en France. Le tourisme vert a progressé nettement : les gîtes ruraux et les chambres d'hôtes ont même atteint la saturation dans le Limousin, l'Auvergne et les Vosges. Le taux d'occupation des villages de vacances a dépassé 70 %. Au contraire, l'hôtellerie et la restauration ont perdu des clients, dans une proportion évaluée souvent à 20 %.

La crise n'est pas générale

L'amenuisement de la demande sur de nombreuses directions et le changement d'habitudes que l'on croyait solidement ancrées ont grevé les résultats des entreprises de tourisme : au cours du premier semestre, le déficit du Club Méditerranée, qui perdait jusqu'à deux millions de francs par jour pendant la guerre du Golfe, a atteint 87 millions de francs, et les bénéfices de Hilton International ont baissé de 38 %. American Express a dû restructurer son département Voyages pour diminuer ses charges.