Aux Philippines, le gouvernement de Corazón « Cory » Aquino, confronté aux insurrections extrémistes de gauche (communistes maoïstes) et de droite (putschistes militaires) ainsi qu'à une situation économique et sociale dramatique, a vu fondre sur lui des calamités naturelles. La plus spectaculaire aura été l'explosion du volcan Pinatubo, dont les coulées de boue et les cendres ont tué des milliers de gens, ravagé la région avoisinante et rendu inutilisable l'une des deux bases américaines au moment même où se poursuivaient de difficiles négociations sur leur maintien. Maladresses et intransigeances de part et d'autre auront fait échouer ces négociations après que le Sénat philippin eut bloqué la ratification d'un accord prévoyant le maintien de l'autre base, celle de Subic. À moins de changements à l'issue des élections du printemps 1992, les derniers soldats américains auront quitté l'archipel dans les trois ans.

Le 14 octobre, les jurés d'Oslo décernaient à l'opposante birmane Aung San Suu Kyi, en résidence surveillée depuis deux ans, le prix Nobel de la paix. Ils récompensaient ainsi le courage de celle qui symbolise la résistance de tout un peuple contre une junte militaire qui a pris le pouvoir dans le sang et refusé de le rendre après avoir subi une défaite sanglante aux élections. Butés dans leur obstination, les généraux – qui la maintiennent au secret – ont dénoncé l'attribution de ce prix et refusé un visa aux diplomates chargés d'annoncer la nouvelle à la fille du « père de l'indépendance » birmane.

Enfin, 1991 aura été marqué par la signature, après de longues et difficiles négociations, d'un accord de paix sur le Cambodge. Le lâchage du Viêt-nam par l'URSS, les changements dans le monde communiste, l'assouplissement de la position d'une Chine qui a longtemps soutenu les Khmers rouges contre Hanoi, mais aussi la subtile diplomatie du prince Sihanouk ont rendu possible cet accord, en vertu duquel les Nations unies doivent surveiller le processus qui conduira ce pays déchiré vers des élections démocratiques au début de 1993. La mission de l'ONU – la plus « massive » de son histoire – consiste à superviser le cessez-le-feu, à assurer le désarmement à 70 % des forces en présence et le contrôle de l'administration en place, tandis que s'organisera le retour des réfugiés. Tâche difficile en raison des haines accumulées et surtout de la présence des Khmers rouges, imposée par le réalisme et le rapport des forces. Le retour à Phnom-Penh, le 14 novembre, du prince Sihanouk et sa spectaculaire réconciliation avec Hun Sen, le Premier ministre de Phnom-Penh qui a officiellement abandonné le communisme, sur le dos des Khmers rouges et des nationalistes de Son Sann, auront marqué le début d'une nouvelle ère. Mais l'accueil réservé aux dirigeants khmers rouges, contraints de fuir la colère populaire, a montré les limites de la réconciliation.

Patrice De Beer

Japon

Sur le plan diplomatique, l'année 1991 n'aura guère été pour le Japon l'une des plus mémorables, sinon par la valse-hésitation à laquelle se sont livrés ses gouvernants. Mis en place l'année précédente comme palliatif à la crise du parti conservateur, secoué par des scandales, le gouvernement Kaifu s'est montré dans l'incapacité de faire face à la situation engendrée par la guerre du Golfe.

Confronté à une opinion publique divisée sur le principe même d'une participation japonaise au conflit et paralysé par les dispositions de la Constitution, il a eu recours une nouvelle fois à la « diplomatie des chèques » ; mais il a ainsi perdu aussi bien sur le front de la guerre (sa contribution, substantielle – 9 milliards de dollars –, arrivant tard) que sur celui de la paix. Tokyo, en effet, a laissé passer la chance de muer son pacifisme constitutionnel en une politique active, son seul souci ayant été de ne pas déplaire à Washington.

Des signes d'essoufflement

C'est une autre déconvenue qu'allait apporter, en mars, la visite « historique » de Mikhaïl Gorbatchev à Tokyo. Peu de choses furent obtenues au fil de laborieuses négociations dont, au départ, Tokyo attendait beaucoup : le point central de la déclaration commune se ramenant à la simple mention du contentieux territorial entre les deux pays sur la question des îles Kouriles. Signe assurément de la faiblesse des protagonistes (MM. Kaifu et Gorbatchev étaient confrontés à de graves problèmes intérieurs), mais aussi, du côté japonais, des difficultés du pays à se dégager de la guerre froide, le Japon restant plus hostile à l'URSS que la plupart de ses partenaires occidentaux.