Journal de l'année Édition 1992 1992Éd. 1992

Après avoir approuvé le 1er janvier la nomination du Premier ministre désigné par M. Lech Walesa, M. Jan Krzysztof Bielecki, la Diète polonaise a voté le 12 l'investiture de son gouvernement ; mais, dans ce Parlement issu des élections de juin 1989, les communistes, qui détenaient les deux tiers des sièges, ont mené la vie dure à M. Bielecki en s'alliant au Parti paysan. Le 31 août, après le dépôt par les opposants d'une motion de censure contre la politique de rigueur du Premier ministre, les députés ont cependant refusé à une large majorité la démission du gouvernement. Entamée le 12 septembre 1989 avec la nomination de M. Tadeusz Mazowiecki au poste de Premier ministre, la période transitoire s'est achevée le 27 octobre 1991, date des premières élections législatives entièrement libres, mais dont les résultats laissent présager un Parlement fragmenté à l'extrême, et menacé de paralysie.

En proie à la guerre civile depuis le mois de mai, la fédération yougoslave, où les communistes ont seulement conservé le pouvoir en Serbie et au Monténégro, a pratiquement cessé d'exister. Gouvernées par des opposants nationalistes depuis les élections libres du printemps 1990, la Slovénie et la Croatie s'opposent depuis aux dirigeants de Belgrade, qui veulent construire une Grande Serbie. L'armée yougoslave est intervenue en Slovénie le 27 juin, deux jours seulement après les proclamations d'indépendance de ces deux républiques. Depuis, les violences se sont aggravées en Croatie, principalement en Slavonie, et sur la côte dalmate, près de Dubrovnik. L'agressivité de la Serbie a poussé les autres républiques à proclamer leur indépendance : après la Macédoine le 15 septembre, la Croatie et la Slovénie le 8 octobre, la Bosnie-Herzégovine s'est déclarée souveraine le 16 octobre.

Les pays Baltes ont profité de l'éclatement de l'empire soviétique pour échapper à son oppression. L'Estonie et la Lettonie ont proclamé leur indépendance respectivement les 20 et 21 août, à l'occasion du putsch manqué, la Lituanie l'ayant déjà fait le 11 mars 1990. Le 6 septembre, le Conseil d'État, nouvelle institution fédérale créée à Moscou, a reconnu l'indépendance de ces trois États.

Confrontés aux difficultés de la transition entre l'économie socialiste et l'économie de marché, les pays d'Europe orientale ont vécu une année très rude. Depuis le 1er janvier, les devises convertibles ayant remplacé « le rouble transférable » à l'intérieur du CAEM, les échanges entre les États membres ont chuté en moyenne de 50 %. Dès le 28 juin, cette organisation a donc été dissoute. Aussi tous les pays de l'Est ont-ils commencé à réorienter leur commerce vers la Communauté européenne, qui leur a apporté une aide financière substantielle et négocie avec eux des accords d'association.

Quatre pays connaissent une situation particulièrement pénible. D'abord l'Albanie, où la privatisation partielle de l'agriculture a été décidée, et qui ne nourrit une grande partie de sa population qu'avec du pain ; la Bulgarie, ensuite, qui a cessé de rembourser sa dette extérieure (11 milliards de dollars) ; la Roumanie, où les prix ont beaucoup augmenté, et où le chômage touchait 15 % des actifs ; et enfin la Yougoslavie, dont l'économie a souffert de la guerre civile qui a contribué à relancer l'inflation (au premier semestre, son taux a atteint 11,5 %).

En Pologne, la fermeture presque totale du marché soviétique a aggravé la récession et, en conséquence, le chômage, qui touchait 11 % des actifs. En Tchécoslovaquie, où la maîtrise de l'inflation s'est accompagnée d'une baisse du pouvoir d'achat proche de 30 %, la libéralisation de l'économie a fait surtout souffrir l'est du pays. En Hongrie, où la concurrence a été introduite dès 1968, et où l'on a fait de grands pas vers l'économie de marché, les inégalités sociales se sont accrues.

Les pays de l'Est ont obtenu de grandes satisfactions dans le domaine militaire. Le pacte de Varsovie, qui avait été signé le 14 mai 1955, a été dissous le 1er juillet. Quelques jours plus tôt, le 19 juin, les derniers soldats soviétiques avaient quitté la Hongrie et la Tchécoslovaquie. Le 7 octobre, Varsovie et Moscou ont signé un accord qui prévoit le départ des troupes russes de Pologne d'ici la fin de 1992. Mais, en vertu du traité de Moscou du 13 septembre 1990, les soldats soviétiques doivent rester en Allemagne orientale jusqu'à l'automne 1994.

Laurent Leblond