La montée généralisée de l'abstentionnisme souligne, plus encore que le désintérêt de l'opinion, le refus de choisir entre divers partis qui ne satisfont nullement le citoyen moyen. On pourrait ajouter que, si la CDU est le grand perdant, le FDP ne se porte guère mieux. S'il est présent à Mayence dans un gouvernement de coalition avec le SPD, il a failli être éliminé du « parlement » de la ville-État de Hambourg. Enfin, le SPD lui-même, bien qu'ayant remporté la plupart des dernières élections régionales, n'est pas dans une forme tellement meilleure. Le manque de charisme et d'autorité du chef du parti, M. Björn Engholm, et les difficultés que présente la succession de H. J. Vogel à la tête du groupe parlementaire SPD au Bundestag le soulignent. Il suffit de songer aux conflits qui ont éclaté entre ce même groupe et les ministres-présidents SPD qui siègent au Bundesrat (où ils sont majoritaires) à propos de la politique fiscale du gouvernement fédéral pour s'en convaincre.

La crise du Golfe avait révélé l'effacement diplomatique de l'Allemagne. Depuis, la situation ne s'est guère améliorée, même si un terrain nouveau s'offre à la RFA : l'Europe de l'Est. Les entreprises allemandes recueillent ici les fruits d'une politique de longue haleine grâce à la formation de toutes sortes de spécialistes des pays et des langues slaves, ainsi qu'à une habile stratégie d'investissements.

En tout cas, l'Allemagne unie renforce l'Europe occidentale. Elle contribue à faciliter l'intégration future de l'Europe orientale (Hongrie, Pologne, Tchécoslovaquie) à la Communauté, rejetant sur le Boug la frontière européenne de l'ancienne URSS. Mais, si l'Allemagne a besoin de la CEE, elle n'acceptera pas de la renforcer à n'importe quel prix. Pour l'instant, et malgré les charges que représente l'intégration des nouveaux Länder, elle reste incontestablement très attachée à la construction communautaire ; mais on peut se demander si cela persistera.

Le couple franco-allemand

En effet, la crise yougoslave, qui voit la RFA chercher, à juste titre, à soutenir Slovènes et Croates, souligne non seulement la division des Européens, mais plus encore l'isolement du gouvernement allemand. Au nom des principes de Versailles (de 1920), Français et Britanniques se sont trop longtemps accrochés au mythe yougoslave, et il a fallu toute la diplomatie d'Helmut Kohl pour amener le président Mitterrand à modifier – un peu – sa manière de voir.

Si le chancelier et ses amis chrétiens-démocrates semblent actuellement attachés à la progression de l'unification européenne et, malgré les maladresses françaises qui se renouvellent depuis l'hiver 89-90, au maintien et à la consolidation du couple franco-allemand, cette attitude ne durera peut-être pas indéfiniment. Le renforcement des liens militaires que laissent prévoir les déclarations conjointes sur l'UEO et la création d'un corps européen d'intervention implique une coordination infiniment meilleure des politiques extérieures des deux nations. Or, visiblement, la RFA privilégie les rapports avec l'Europe de l'Est et la Russie nouvelle, alors que le sommet de Paris sur la francophonie souligne l'importance que la France accorde au Sud. Au reste, le gouvernement français ne semble pas avoir prêté une réelle attention à la proposition des autorités saxonnes d'une participation active de la France à la reconstruction économique du triangle Dresde-Breslau-Prague.

Et, pourtant, c'est incontestablement grâce à la présence de la France dans la remise en état des nouveaux Länder que la croissance industrielle de notre pays a pu être maintenue cette année. Mais, ne l'oublions pas, en 1991, l'augmentation du PIB allemand a été estimée à 3,5 % et celle du PIB français à 1,5 % seulement. Or, la croissance allemande s'explique essentiellement par l'impact des transferts vers l'ex-RDA et par la politique budgétaire expansionniste du gouvernement fédéral.

Berlin capitale

Jeudi 20 juin 1991. Après douze heures de débats ininterrompus, et après avoir écouté le plaidoyer énergique du chancelier Kohl en faveur de Berlin, les députés allemands décident, par 336 voix contre 321, de transférer le gouvernement et le Bundestag dans l'ancienne capitale du Reich. L'Assemblée s'installera dans les bâtiments du Reichstag dans un délai de quatre ans ; mais le Bundesrat, la deuxième chambre du Parlement qui représente les États fédérés, devrait rester à Bonn.