Pourtant, si l'on en croit un article de Christa Luft publié dans Économie prospective internationale, « parmi tous les pays d'Europe de l'Est en voie de réforme, c'est la RDA qui offre le cadre réglementaire le plus adapté à l'introduction d'une économie sociale de marché ». L'auteur, cependant, insiste sur le fait que les entreprises industrielles et agricoles se trouvent dans un état alarmant.

Selon les estimations du ministère de l'Économie de l'ancienne RDA, l'introduction du DM a placé les quelque 2 200 entreprises industrielles autrefois soumises au dirigisme dans la situation suivante : 31 % d'entre elles fonctionnent probablement de manière rentable, et, à relativement court terme, devraient résister à la concurrence internationale sans avoir besoin de subventions ; 42 % travaillent à perte, mais sont susceptibles de s'assainir ; 27 % n'ont aucune chance d'échapper à la faillite.

« Les sociétés en faillite seront pour la plupart les entreprises polluantes, l'industrie des biens de consommation, l'industrie de la confection et celle de la chaussure. Dans le secteur agricole – poursuit l'article –, il faut s'attendre qu'un cinquième des coopératives de productions agricoles ne soient pas de taille à affronter les dures conditions concurrentielles prévalant dans la CEE. Cela signifie que la moitié des agriculteurs devront se convertir dans une nouvelle activité. »

Une fois son assainissement économique opéré, l'ex-RDA connaîtra des taux de croissance élevés lui permettant d'atteindre le niveau de vie de l'Ouest. Selon certains experts, il lui faudra attendre de 10 à 20 ans pour en jouir pleinement. Toutefois, d'après d'autres analystes, il est possible que l'on assiste très rapidement à un nouveau miracle économique. Le PIB allemand évoluerait alors de la manière suivante (en milliards de DM) :

Dans ces conditions, les chiffres du PIB par habitant seraient ceux-ci (en DM) :

Même si ces dernières données peuvent nous sembler très optimistes – les statistiques de 1990 pour la RDA sont fortement surévaluées, le PIB global des Länder orientaux étant vraisemblablement de l'ordre de 160 milliards de DM, soit un PIB par habitant d'environ 10 000 DM –, elles soulignent une possibilité non négligeable de redressement rapide, qui, toutefois, se manifesterait sur 15 ans, et non pas sur 10.

De toute manière, d'importantes distorsions en matière de salaires (la moyenne mensuelle se situe à 2 150 DM en RFA, contre 950 à 1 000 DM dans les nouveaux Länder) et d'horaires de travail subsisteront encore quelques années. En effet, si ce dernier point peut être corrigé rapidement, il n'en est pas de même du premier étant donné la sous-qualification et la faible productivité de la population est-allemande.

À terme, le nouvel État allemand en sortira indubitablement renforcé ; mais, pendant plusieurs années, tout cela va coûter très cher et freiner sensiblement d'autres investissements, en Allemagne même ou à l'étranger – en particulier le développement des technologies de pointe pourrait en être affecté – et risque, à moins d'efforts considérables, de limiter l'essor allemand.

Renforcer l'Europe

Cette situation explique les difficultés rencontrées dans les anciens Länder par le chancelier Kohl, accusé d'avoir menti à son peuple. Même si, dans la réalité, il a été trompé par ses experts qui fondaient trop souvent leurs analyses sur les statistiques fournies par la RDA et corroborées par les publications de... la CIA, le peuple allemand, confronté à des augmentations sensibles de toutes sortes et à des contributions inattendues, marque son mécontentement.

Que la CDU perde les élections régionales de Hesse ou de Hambourg n'était pas extraordinaire, encore que le recul de la CDU à Hambourg ait été fort important, mais qu'elle perde la majorité en Rhénanie-Palatinat, un Land dont Helmut Kohl fut ministre-président et dont la tradition CDU remontait à 1947, est significatif de la baisse de popularité du principal parti gouvernemental et de son chancelier, pourtant palatin de Ludwigsbourg. Et les élections de Brême à la rentrée, qui traduisent un renforcement de l'extrême droite dans cette ville hanséatique, montrent combien le mécontentement est grand.