Contrainte de se saisir de ce problème qui sapait sa base électorale, Édith Cresson n'hésita pas à envisager, le 8 juillet, devant les caméras de TF1, le recours à des vols spéciaux pour expulser les étrangers en situation irrégulière. Elle dut y renoncer dans le dispositif de maîtrise de l'immigration qu'elle présenta le 10 au Conseil des ministres, car l'utilisation de « charters » à cette fin révulsait de nombreux socialistes.

La montée de l'abstentionnisme, qui se situait presque toujours entre 40 % et 50 % du corps électoral, la difficile réélection à la députation des anciens ministres Jean-Pierre Chevènement et Claude Évin, les nombreuses victoires remportées par le RPR, l'UDF où l'UDC lors des élections communales ou cantonales partielles témoignèrent que le pouvoir n'était pas parvenu à rendre crédible sa politique.

Changer le scrutin ?

Enfin, de trop nombreux scandales achevèrent d'ébranler la confiance des Français : assassinat de Chapour Bakhtiar le 6 août par des Iraniens, malgré la protection dont il bénéficiait ; suicide le 13 septembre d'Yves Laurent, maire socialiste de Saint-Sébastien-sur-Loire lié à une affaire de fausses factures ; condamnation le 26 du préfet de l'Élysée, Christian Prouteau, pour « complicité de subornation de témoins » ; inculpation le 7 décembre d'Alain Boublil, ancien directeur du cabinet de Pierre Bérégovoy, pour délit d'initié dans l'affaire Pechiney, et pire encore, inculpation le 21 novembre de trois anciens responsables de la Santé pour contamination d'hémophiles par le virus du Sida lors de transfusions sanguines en 1984 et en 1985 !

Dans ces conditions, on comprend la chute de popularité du chef du gouvernement, qui ne satisfaisait plus que 27 % des électeurs sondés à la fin de décembre. On comprend aussi celle du chef de l'État, qui s'est abaissée de 65 % en février à 31 % en décembre, l'opposition et les médias lui ayant reproché son hésitation à dénoncer les auteurs du putsch de Moscou contre Mikhaïl Gorbatchev le 19 août. On comprend enfin que, pour éviter d'être accusés de fausser le résultat des élections, les responsables du pouvoir aient renoncé à réformer la loi électorale pour les régionales de 1992 et soient – semble-t-il – en passe d'abandonner leur projet de réforme du mode de scrutin pour les législatives de 1993.

Au soir du 31 décembre 1991, l'avenir n'était pas « rose » pour les hommes de la majorité présidentielle. Sera-t-il « vert », « bleu blanc rouge », ou « blanc », ou bien restaurera-t-il au pouvoir les représentants du RPR et de l'UDF, ressourcés par une longue cure d'opposition ?

Pierre Thibault