Enfin, le tableau par trop mélancolique de l'année théâtrale ne saurait se passer des « coups de cœur » dus à ces comédiens qui savent transmettre leur bonheur de jouer : Maria Casarès, Denise Gense, Isabel Karajan et Michel Aumont, dont les Comédies barbares demeurent l'un des événements majeurs de la saison, et à toute la troupe de Jean-Claude Penchenat, qui restitue son inimitable don de sympathie à la Dernière Soirée de Carnaval de Carlo Goldoni.

Christophe Deshoulières

Danse

Si les années 80 lancèrent un pari sur la danse (corroboré par l'Année de la danse en 1988), les années 90 se révèlent prêtes à consolider les acquis.

La danse est à l'étude et a fait l'objet en 1991 d'un rapport du Conseil supérieur de la danse et de la délégation au développement et aux formations. En conséquence, de nouvelles décisions devraient être prises en faveur du métier de danseur, de l'assouplissement de la diffusion et de la reconversion des danseurs vers l'enseignement, la formation devenant secteur prioritaire.

La nomination de Susan Buirge, commissaire à la danse au sein de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, confirme la libération de la danse du joug de la musique et la reconnaissance du métier de chorégraphe. La mission de cette « antenne danse » sera de veiller à la conservation du patrimoine, d'améliorer la diffusion et les conditions de passage des compagnies hors des « sanctuaires » habituels, tout en assurant la promotion des nouvelles formes de chorégraphie.

Initiatives gouvernementales et privées ont été à l'origine d'opérations destinées à faire connaître l'art chorégraphique. Si la programmation et le déroulement du Festival « Danse à Aix » firent preuve d'un certain esprit d'ouverture en investissant fréquemment rues et lieux publics, ses organisateurs n'en oublièrent pas pour autant de dénoncer l'actuelle et générale pénurie de salles.

Le recours au plein air reste toutefois toujours possible. « Danse sur le port », la manifestation orchestrée par Roland Petit à Marseille, et les ballets de William Forsythe donnés dans la cour d'honneur du palais d'Avignon prouvent qu'en changeant les règles du jeu et la relation scène-salle, la réussite est assurée.

La programmation de la saison 90-91 avait prévu la venue des invités réguliers que sont maintenant W. Forsythe (au palais Gantier, au Châtelet et à Avignon, avec la création de The Loss of small detail), Pina Bausch (au palais Garnier avec sa première œuvre majeure, Iphigénie en Tauride, et au Théâtre de la Ville avec la création française de Palermo, Palermo), Maurice Béjart (adepte du Palais des Sports avec un répertoire renouvelé grâce à Dibouk, la Mort subite, Pyramide et un hommage à Mozart, Tod in Wien) et enfin Merce Cunningham venu créer Loosestrise pour le XXe anniversaire du festival d'Automne.

Ushio Amagatsu, maître du buto, fait également partie des chorégraphes étrangers que le public parisien retrouve tous les ans depuis le début des années 80. Ces dernières ont marqué une ouverture vers les danses du monde que le festival de Montpellier a confirmé en se consacrant cette année au continent noir. La danse expérimentale continue sa théâtralisation. Les chorégraphes confirmés sont en passe de recréer l'opéra-ballet. 1991 a été riche de créations où se reconnaissaient d'autres partis pris, notamment celui de rester près de la musique. Le palais Gantier a joué son rôle de conservateur du patrimoine, tout en prenant des airs de modernité et en invitant quatre chorégraphes américains (Jérôme Robbins, W. Forsythe, Twyla Tharp et David Parsons), figures de proue de la modern danse.

Catherine Michaud

Musique

Que de trouvailles, de réhabilitations, de renaissances ! En France, malgré des dessous toujours houleux, l'année 1991 restera celle de la diversité, même si la démission du directeur de la Musique (Michel Schneider) témoigne, encore une fois, des luttes secrètes qui sous-tendent la vie musicale.

Le tollé déclenché par le projet de réforme élaboré par le ministère de l'Intérieur et de la Fonction publique pour encadrer les professions de l'enseignement prouve le malaise que le pouvoir omniprésent des administratifs a fini par déclencher, alors que l'absence d'objectifs définis pousse par ailleurs l'État à se désengager et à retirer son soutien. Afin que puissent survivre toutes les initiatives prises hors des institutions bien nanties appartenant au domaine de la haute politique, le recours au mécénat privé des entreprises doit augmenter d'année en année.