Aux côtés des porte-avions, le Pentagone avait envoyé dans le Golfe et en mer Rouge deux cuirassés, le Missouri, sur lequel avait été signée la reddition du Japon en 1945, et le Wisconsin. Ces bâtiments, entièrement refondus entre 1970 et 1980, ont pilonné les côtes du Koweït grâce à leurs canons de 405 mm. En une seule bordée, les neuf canons du Wisconsin pouvaient lancer 10 tonnes d'explosifs sur des objectifs distants de 40 km. La place disponible sur ce type de bâtiment a également permis de les utiliser comme base de lancement de missiles de croisière. En face de la formidable armada déployée par les alliés, la marine irakienne ne pouvait compter que sur quelques frégates, patrouilleurs et vedettes lance-missiles. Bagdad ne pouvait donc pas porter la guerre sur mer.

Les enseignements de la guerre

D'une manière générale, le conflit a souligné l'importance du renseignement, de l'observation et de la communication. C'est pourquoi la France a décidé de renforcer ses moyens d'observation spatiale. Le satellite Hélios, qui sera mis en service en 1993, nous permettra de ne plus dépendre des systèmes américains de renseignement. La continuité des combats aura également frappé les observateurs : ceux-ci se déroulent désormais de jour comme de nuit et rendent capitale la capacité de vision nocturne des systèmes d'armes. En ce qui concerne les opérations terrestres, la mobilité a été un facteur primordial de la victoire : la bataille terrestre, qui a duré un peu moins de cent heures, a démontré la supériorité de la force manoeuvrante sur la force statique.

La puissance militaire américaine était connue. La guerre du Golfe a montré que sa mise en œuvre était d'une efficacité sans équivalent dans le monde. En quelques semaines, le Pentagone a réussi à envoyer plus d'un demi-million d'hommes à 10 000 kilomètres et à déployer sur le terrain un matériel immédiatement opérationnel. Victoire d'une technologie de pointe servie par des professionnels, la guerre du Golfe a relancé, notamment en France, le débat sur la composition de l'armée : armée de métier ou conscription ? Quant à l'Europe, malgré de très réels efforts sur la voie de l'unité, elle est apparue hors d'état d'affronter une crise militaire.

La guerre du Golfe restera donc, et avant toute autre chose, une opération des États-Unis. Ce sont les bombardements des Américains qui ont convaincu Bagdad que la guerre était sans issue. C'est leur domination du ciel qui a contraint l'aviation irakienne à se replier en Iran. Enfin, ce sont les tirs des missiles Patriot qui ont empêché Saddam Hussein d'exercer un chantage à la terreur sur Israël et sur les États du Golfe.

Philippe Faverjon