À l'automne, période privilégiée des choix budgétaires pour les entreprises et pour l'État, les nombreuses suppressions d'emplois précédemment envisagées, et qui se comptent par dizaines de milliers, se sont concrétisées. Ainsi, IBM, le géant mondial de l'informatique, a supprimé quelque 17 000 postes durant l'année. De leur côté, Pan Am, Union Carbide, Dupont, Pacific Telesis, American Express ou encore First Interstate Bank, pour ne prendre que les exemples récents de sociétés connues, ont annoncé des licenciements concernant à chaque fois 2 000 à 6 000 personnes. Généralement, il s'agit d'entreprises travaillant dans le secteur des services, celui qui avait créé la quasi-totalité des nouveaux emplois (18 millions) au cours des années 80 et qui, aujourd'hui, subit le sort réservé jusque-là à l'industrie. Parmi les secteurs les plus touchés figurent la banque, la finance, l'immobilier, l'assurance, la grande distribution, autant de piliers qui font aujourd'hui défaut à de grandes villes comme New York, étranglée par l'explosion de ses dépenses sociales alors que la collecte des impôts des particuliers et des entreprises a fortement baissé.

Le remède miracle

Si la reprise de l'activité ne trouve son aliment ni dans la consommation (les revenus des ménages ont reculé en termes réels tandis que leur épargne se situait à son plus bas niveau : autour de 3,5 % du revenu disponible contre près de 8 % au début des années 80) ni dans les exportations, faut-il espérer beaucoup de l'appareil productif ? Là aussi une grande prudence s'impose au vu des statistiques des commandes de biens durables, lesquelles reflètent la mauvaise performance des biens d'équipement industriel. Une déception qui s'explique par l'hésitation des entreprises à reconstituer leurs stocks que les industries maintiennent à un bas niveau durant la phase de récession tant qu'elles ne sont pas certaines que la reprise est effectivement au rendez-vous.

Régulièrement, par la voix de George Bush en personne, de son économiste en chef, Michael Boskin, ou de son secrétaire au Trésor, Nicholas Brady, la Maison-Blanche annonce la bonne nouvelle pour le lendemain, en faisant de son éternel credo (« la baisse des taux d'intérêt ») le remède miracle à une reprise de la croissance que l'inflation, désormais maîtrisée, ne semble plus menacer. De fait, la hausse des prix se maintient dans des limites raisonnables (3,8 % en termes annuels) ; mais cette statistique encourageante ne semble pas inciter la Réserve fédérale à peser lourdement sur ses taux d'intérêt. Son président, Alan Greenspan, reconduit en août dernier pour un deuxième mandat de quatre ans, s'obstine à pratiquer une méthode de détente des taux à dose homéopathique. À raison de 0,5 % à chaque fois, son taux d'escompte se situe maintenant à 5 %, ce qui constitue un net progrès en l'espace d'un an (il était à 7 % en décembre 1990) et le plus bas niveau atteint depuis 1983. Mais, dans le même temps, le taux de base bancaire, qui sert de plancher pour établir toute la hiérarchie des autres taux applicables à la clientèle commerciale et privée d'une banque, reste fixé autour de 8 %, contribuant à renréchir le loyer de l'argent, lequel souffre, de plus, d'une contraction des sommes disponibles depuis que les établissements bancaires, échaudés par les épouvantables pertes subies sur le front immobilier ou sur celui d'une clientèle devenue brusquement insolvable pour cause de récession, se sont mis en tête de fermer le robinet du crédit.

Le problème de la masse monétaire

Dans ces conditions, justifiées par la remise en ordre généralisée du système bancaire américain, éclaté entre quelque 12 150 banques commerciales et fragilisé par des faillites retentissantes et par d'autres graves crises frappant les grands noms de la profession – qui n'ont dû leur salut que dans le regroupement –, le desserrement de la politique du crédit pratiquée par la Réserve fédérale pourrait se révéler insuffisant pour permettre un rebond significatif de l'activité.