D'autres mesures ont été prises d'urgence pour éviter un « été chaud ». Ainsi, le nombre des policiers a été augmenté ; plus d'une centaine de terrains de sports scolaires et universitaires ont été ouverts en juillet et août, tandis que des jeunes défavorisés étaient reçus par des familles à la campagne… L'été a été calme, au grand soulagement des pouvoirs publics, mais rien n'était réglé pour autant : une explosion pouvait survenir n'importe où, à tout moment.

Bien que s'étant fixé comme objectif l'intégration, le gouvernement a surtout été amené en 1991 à s'occuper des flux migratoires. D'abord, en s'efforçant de régler le sort de dizaines de milliers de demandeurs d'asile déboutés, puis en tentant de répondre aux critiques de l'opposition à propos des immigrés clandestins.

Le débat sur le droit d'asile a pris une tournure nouvelle depuis que l'examen des demandes a été fortement accéléré. Obtenant une réponse – le plus souvent négative – en moins de trois mois, les candidats au statut de réfugié se sont vu retirer l'autorisation de travailler durant la procédure. Ils ne peuvent plus, comme avant, faire valoir leur intégration en France après deux ou trois ans de séjour, pour s'opposer à une reconduite à la frontière.

Au printemps, un certain nombre de demandeurs déboutés, soutenus par des associations, ont organisé des grèves de la faim. Le gouvernement a refusé une régularisation massive, concernant plusieurs dizaines de milliers de personnes : les dossiers controversés devaient être réétudiés cas par cas.

Les immigrés clandestins ont focalisé l'attention en 1991. Comme personne n'est en mesure d'évaluer exactement leur nombre, des chiffres fantaisistes n'ont cessé d'être lancés. Le gouvernement se devait d'agir, pour répondre aux critiques de l'opposition et aux inquiétudes de l'opinion, mais aussi pour défendre sa politique d'intégration : il est difficile, en effet, d'insérer des étrangers dans le tissu social si les arrivées se multiplient de manière incontrôlée. (Dans le rapport qu'il a présenté en novembre 1991, le Haut Conseil à l'intégration estime que près de 100 000 personnes de nationalité étrangère ont été autorisées en 1990 à résider de façon durable en France. Parmi ces immigrants, 46 % étaient originaires du continent africain et 21 % d'Asie. Les Européens (parmi lesquels un tiers de Turcs) ne représentaient que 25 % de l'ensemble. Parmi les 100 000 enregistrements administratifs (qui ne traduisaient pas tous des entrées physiques nouvelles, on comptait environ 22 000 travailleurs permanents, 37 000 membres de leurs familles et 15 000 conjoints de Français. Ne sont comptés dans ce total ni les résidents temporaires (étudiants, travailleurs frontaliers...) ni les clandestins dont le nombre est, par définition, inconnu.)

Xénophobie et dérapages

Un projet de loi sur la répression du travail clandestin, voté en première lecture par les députés le 15 octobre, a prévu des sanctions sévères pour tous les maillons de la chaîne : des passeurs aux employeurs, sans oublier les logeurs ou les transporteurs. Il a été décidé notamment qu'un employeur de travailleurs clandestins serait interdit d'activité professionnelle pendant la durée maximale de cinq ans et pourrait encourir jusqu'à trois ans de prison. Mais la loi vise aussi « toute personne qui, par aide directe ou indirecte, a facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'un étranger ». Ces intermédiaires risquent, en outre, s'ils sont étrangers, d'être interdits de séjour en France pour une durée de dix ans.

Un autre projet de loi, adopté le 14 novembre en Conseil des ministres, concerne les transporteurs. Une compagnie aérienne, par exemple, qui aurait débarqué en France un étranger dépourvu de passeport ou de visa, devrait non seulement payer une amende de 10 000 francs mais aussi réembarquer ce passager à ses frais.

Aucune des mesures annoncées n'a suffi à retourner une opinion publique qui s'est montrée en 1991 particulièrement xénophobe. Un sondage de la SOFRES, dont les résultats ont été publiés en octobre, indiquait que 38 % des Français (contre 51 %) approuvaient les prises de position de Jean-Marie Le Pen sur l'immigration.