L'année politique en France

Alors que l'après-guerre prenait fin avec la réunification de l'Allemagne, en France le « microcosme politique » restait enserré dans ses structures partisanes. Les nombreuses « affaires » qui ont déconsidéré les élus ont assuré la montée du Front national comme celle des écologistes et amorcé la recomposition du paysage politique.

Le Front national a été le premier, à partir de 1984, à venir perturber le duel classique « majorité-opposition » qui, depuis 1958, permettait d'assurer la stabilité du gouvernement. Deux facteurs en ont fait un élément incontournable : le talent de tribun de Jean-Marie Le Pen et la simplicité de son programme : défendre l'identité nationale et les valeurs morales qui l'expriment. Il en est résulté une triple condamnation de l'étatisme, de l'immigration et de l'insécurité et une triple promesse : la réduction de la pression fiscale ; la priorité d'emploi donnée aux Français ; le rétablissement de la peine de mort.

La clientèle du Front national s'est alors élargie à l'ensemble de la métropole, à toutes les classes d'âge, et a emprunté à la gauche une partie des voix des déçus du socialisme, ainsi qu'en témoignent notamment les scores que le candidat de Jean-Marie Le Pen a obtenus les 10 et 17 juin 1990 à Villeurbanne (27 % et 36,7 % des suffrages exprimés).

Pluralisme de l'opposition

Confirmée les 30 septembre et 7 octobre par les résultats des autres cantonales de Villeneuve-lès-Avignon et de Conflans-Sainte-Honorine (69,59 % d'abstentions !), cette progression du Front national s'est poursuivie malgré les obstacles : exclusion des tables rondes majorité-opposition organisées à l'hôtel Matignon sur le racisme le 3 avril et sur l'immigration le 29 mai ; profanation de 34 tombes dans le cimetière juif de Carpentras le 10 mai ; vote définitif du projet de loi du communiste Jean-Claude Gayssot réprimant « tout acte ou propos raciste, antisémite ou xénophobe » (29 juin) ; déclarations de Jean-Marie Le Pen condamnant une éventuelle intervention armée en Irak (10 et 22 août).

Doté de structures politiques renforcées par le VIIIe congrès de Nice (30 mars-1er avril), le Front national est devenu une force. C'est ce qu'a compris l'UDF Jean-Claude Gaudin, en laissant élire l'un de ses membres, le 6 juillet, au Conseil régional Provence-Alpes-Côte d'Azur. Cela pose problème à l'opposition. Faut-il « perdre son âme » ou perdre les élections ?

Le surgissement des écologistes dans l'arène électorale en 1988 a également modifié le paysage politique. Avec Brice Lalonde, qui a fondé Génération écologie le 11 mai, leur mouvement se situe plutôt à gauche ; avec Antoine Waechter, porte-parole des Verts, c'est « ailleurs » qu'il faut le chercher. Le premier souhaite « écologiser la politique » et accepte de soutenir tous ceux qui participent à son action, à l'exception des membres du Front national ; le second espère faire de l'écologie un parti politique indépendant, ce qui l'incline à refuser tout désistement au second tour, même au risque de faciliter l'élection d'un partisan de Jean-Marie Le Pen. À l'automne, ses candidats ont pourtant écorné un peu plus le capital en voix de la gauche et celui de la droite. L'une et l'autre se devaient de réagir.

L'UDF est une fédération de partis : PR, radicaux, PSD, CDS, adhérents directs et clubs (Perspectives et Réalités). Elle est donc structurellement pluraliste. Plus riche en militants et en députés, le PR aspire à en devenir l'aile libérale et marchante sous l'impulsion de François Léotard, qui souhaite affirmer ses ambitions présidentielles sans rompre avec Valéry Giscard d'Estaing. C'est vouloir résoudre la quadrature du cercle. Aussi le président du PR a-t-il démissionné le 24 octobre au profit de Gérard Longuet.

À majorité démocrate-chrétienne, le CDS avait constitué dès 1988 un groupe parlementaire distinct : l'Union du centre. Libéraux en matière économique, réclamant à ce titre la reprise des privatisations, ses membres se sentent parfois si proches de ceux de la majorité présidentielle sur le plan social que l'un d'entre eux, le « barriste » Bruno Durieux, n'a pas hésité, le 2 octobre, à intégrer cette dernière en tant que ministre de la Santé.