Journal de l'année Édition 1991 1991Éd. 1991

Le marché mondial des programmes audiovisuels

La télévision est aujourd'hui un marché aussi important, mais plus diversifié, que le cinéma. Alors que la production des programmes est fortement dominée par les États-Unis, la CEE tente de réagir en mettant en œuvre une politique de quotas. Mais les réalités économiques risquent de l'emporter.

Les programmes audiovisuels comprennent l'ensemble des créations télévisuelles, films et vidéogrammes susceptibles d'être diffusés sur le petit écran. Ce sont des produits fortement marqués par l'environnement socioculturel et politique du pays producteur ; leur commercialisation dépend donc de leur capacité à intéresser un public autre que celui de leur pays d'origine. Cela explique que l'essentiel des programmes audiovisuels commercialisés soient des œuvres de fiction (films cinématographiques, feuilletons, séries, téléfilms, « soap opera » et « telenovellas », ainsi que les dessins animés pour enfants). En 1989, l'ensemble de ces produits a représenté 1,5 milliard de dollars (8,5 milliards de francs). Jusque dans les années 1970, seul le film de cinéma faisait l'objet d'importantes transactions au plan mondial. Les programmes de télévision ont pris ensuite le relais : ils représentent maintenant le même volume de transactions.

Le « robinet à images »

Cette situation est liée à plusieurs facteurs, économiques, juridiques et techniques. C'est d'abord le bouleversement du paysage audiovisuel dans un certain nombre de pays, en particulier d'Europe : démonopolisation des sociétés audiovisuelles, création de chaînes privées, accroissement général du parc des récepteurs. En même temps, les progrès technologiques, en démultipliant les modes d'accès à l'image, accroissent l'offre potentielle. L'évolution sociologique qui en découle, avec la modification de la répartition des temps de loisir vers la télévision, provoque donc une augmentation de la demande. L'ensemble des réseaux de télécommunication (câble, réseaux) et de télédiffusion (réseaux hertziens, satellites de diffusion directe, vidéo) constitue un véritable « robinet à images » qui, proposé au téléspectateur, doit être alimenté à tout instant.

Témoins de ce dynamisme : la multiplication des grands marchés de programmes et le succès croissant qu'ils remportent. Quatre manifestations sont organisées à Cannes chaque année : le MIP TV (créé en 1963), le MIPCOM (en 1978), le Festival international du film (en 1950) et le MIFED (en 1959), devenu ensuite le Festival international de programmes audiovisuels ; deux aux États-Unis : l'AMIP (American Market for International Programs, créé en 1982), et le NATPE (National Association of Television Programs Executive, en 1963) ; une à Londres : le Multi Media Market (créé en 1959) ; et, à Monaco, le Festival international de télévision de Monte-Carlo (créé en 1960).

Les télédiffuseurs se sont d'abord orientés vers le cinéma, gisement considérable d'heures de programmes. C'est ce qui explique la part encore importante qu'occupent les films du grand écran sur le marché international des programmes. En 1986, la production cinématographique mondiale a représenté quelque 3 500 films répartis pour l'essentiel entre les pays suivants : Inde (900), Japon (400), États-Unis et URSS (300), France, Corée, Grèce, Hongkong et Espagne (200), Allemagne fédérale, Mexique, Grande-Bretagne et Pakistan (100), Égypte (50).

Cette situation, qui permet par exemple au téléspectateur français de se voir proposer quelque 1 500 films par an, n'a pas été sans incidences sur la fréquentation des salles (éd. 1989), mais le film cinématographique seul ne suffit pas à remplir les grilles de la télévision, le public demandant des programmes diversifiés : information (journal télévisé, magazines, émissions de plateau, reportages sportifs), divertissement (films, séries, feuilletons, jeux), des programmes éducatifs ou culturels, des émissions pour enfants, le tout entrecoupé de publicité.

Pour les programmes d'information, des structures regroupant plusieurs pays se sont mises en place dès les années 1950, offrant aux télévisions membres de ces unions (Union européenne de radiodiffusion, par exemple, pour les télévisions d'Europe occidentale) la possibilité d'échanger leurs images d'actualité. La place croissante accordée au sport, où certaines rencontres sont devenues des spectacles planétaires, a considérablement enchéri le coût d'acquisition des droits de transmission, qui, pour l'Europe, sont négociés par l'UER. À titre indicatif, pour la diffusion des jeux Olympiques, cette dernière a dû acquitter les sommes suivantes : 36 millions de francs en 1980, 120 en 1984, 170 en 1988. Pour les JO de Barcelone de 1992, on devrait atteindre 450 millions de francs.

L'hégémonie américaine

Le marché international des programmes est fortement dominé par les États-Unis, premier exportateur mondial. L'Europe, premier importateur, a absorbé, en 1988, 64 % des exportations américaines et la seule Italie 25 %.