Panorama

Prodige de la technique : la Grande-Bretagne n'est plus une île. Le 1er décembre, deux ouvriers, l'un britannique, l'autre français, se donnent une poignée de main sous la Manche, célébrant une jonction historique et le premier aboutissement d'un défi technologique unique au monde, jamais l'homme n'ayant en effet tenté jusqu'alors de forer sous la mer une telle distance (38 km). Au terme de plus de deux siècles de projets, le tunnel sous la Manche devient enfin une réalité. Engagée en 1986, sa réalisation ne s'achèvera qu'en 1993 ; mais la poignée de main échangée à 50 m sous le fond de la mer illustre le formidable travail déjà accompli par les tunneliers : guidés à la fois horizontalement et verticalement par des faisceaux laser, et leur progression coordonnée par satellites, ces monstres d'aciers (dont les plus gros atteignent 300 m de long pour une masse de 1 200 t) ont percé la galerie de service du tunnel sans s'écarter de plus de 50 cm de la trajectoire idéale prévue.

Sauvegarder la Terre

Autre prouesse technologique : l'ordinateur sans clavier, présenté au Sicob, au printemps, par Victor Technologies. Un système expert de reconnaissance des formes intégré lui vaut de reconnaître l'écriture manuscrite. C'est la première application grand public de l'intelligence artificielle, une discipline en plein essor qui cherche à reproduire le comportement humain pour la résolution des problèmes les plus divers.

Prouesse encore : la réalisation, au laboratoire des matériaux moléculaires du CNRS à Thiais, du premier transistor entièrement en polymères dont la mobilité des porteurs de charge équivaut à celle des transistors à base de silicium amorphe. Un succès qui ouvre la voie à des composants électroniques moins chers et se prêtant mieux à des modifications de propriétés « sur mesure ».

Mais à quoi bon ces réalisations techniques spectaculaires et riches de promesses si l'homme s'avère par ailleurs incapable de gérer l'avenir de sa planète ?

La Terre est soumise actuellement à des changements qui se traduisent en particulier par des modifications préoccupantes de l'environnement, et qui pourraient se manifester dans le futur par une dégradation du climat. La compréhension de ces changements, qui résultent de l'action conjuguée de facteurs naturels et de facteurs liés aux activités humaines, constitue un défi scientifique et technologique pour l'ensemble des nations. Deux programmes de recherche à l'échelle mondiale ont été mis sur pied au cours des années 80 : le Programme mondial de recherche sur le climat (PMRC), programme commun à l'Organisation météorologique mondiale (OMM) et au Conseil international des unions scientifiques (ICSU), qui traite les aspects physiques du système climatique ; et le Programme international géosphère-biosphère (PIGB), programme de l'ICSU lancé en 1986 dont l'objectif principal est de décrire, de comprendre et de modéliser les processus essentiels qui gouvernent le système géosphère-biosphère et d'évaluer l'influence des activités humaines sur son évolution.

Lors de la deuxième réunion du Conseil scientifique consultatif du PIGB, qui a réuni 200 spécialistes d'une quarantaine de nationalités différentes à Paris, en septembre, a été annoncée la création du Bureau « Data and Information System ». Celui-ci, implanté à l'université Paris-VI, a pour mission de fournir aux scientifiques du monde entier impliqués dans le programme un accès immédiat aux données obtenues par l'intermédiaire de stations terrestres ou de satellites. Il vient s'ajouter aux autres centres du PIGB qui sont consacrés aux changements climatiques du passé (Berne), au flux global de l'océan (Kiel) et aux aspects biologiques du cycle de l'eau (Berlin).

Le 29 octobre, 500 experts se sont réunis à Genève à l'initiative de l'OMM et de l'ICSU pour la deuxième Conférence mondiale sur le climat (la première avait eu lieu en 1979). Pour ces spécialistes, le réchauffement de la Terre ne fait plus de doute : il atteindra de 0,8 à 1,5 °C en 2025 et de 2,5 à 5,5 °C en 2100. Et, comme on le présumait, c'est l'activité industrielle qui est responsable au premier chef de cette élévation de température, en raison de l'accroissement de la teneur en gaz à effet de serre (gaz carbonique, méthane) qu'elle provoque dans l'atmosphère. Les modifications climatiques qui en résulteront auront d'importantes répercussions économiques, notamment dans les pays du tiers-monde.