Cette dernière éventualité serait d'autant plus discutable que la profession a apporté aux pouvoirs publics un concours constructif dans deux domaines sensibles pour la société française, d'abord en faveur des personnes jugées surendettées, en acceptant la recherche, pour les insolvables, de solutions à l'amiable, mais en demandant que tous, y compris l'État, prennent leur part du fardeau et que les prêteurs soient tout de même protégés contre les emprunteurs de mauvaise foi qui, en définitive, coûtent cher aux emprunteurs de bonne foi.

François de Juvigny

Bourse

Selon les indices, Paris aura perdu en 1990 entre 20 et 25 %. Le dégât, on s'en doute, a débuté le 2 août lorsque l'Irak a envahi le Koweït. Les cours n'ont cependant pas terminé dans les bas-fonds : le CAC 40 s'est installé autour de 1 650, alors qu'il avait plongé à 1 471,71 fin septembre.

Rien n'a changé, mais tout s'est aggravé

Depuis, l'alternance de la logique de guerre et de la logique de la négociation a déterminé les mouvements de la cote, avec des transactions de plus en plus minées par le doute (il faut 2,5 milliards de francs par jour en valeurs françaises sur le règlement mensuel pour estimer une activité correcte ; elle avait fléchi en octobre à un maigre milliard).

Les places étrangères ont fait tantôt mieux, tantôt plus mal. La Bourse de New York n'a cédé que 8 %, mais avec un dollar qui s'est effondré de 14 %. Le Royaume-Uni, avec ses réserves de pétrole en mer du Nord, a été moins sensible à la crise et n'a décaissé que 12 %. Tokyo a payé le plus lourd tribut avec 40 %, ce qui en fait encore le marché le plus cher du monde. Francfort et Madrid ont enregistré une contre-performance proche de la nôtre. C'est que toutes étaient logées à la même enseigne.

Avant l'événement, la prévision penchait vers une analyse mitigée mais sans désastre : un peu plus d'inflation, un peu moins de croissance. Après l'événement, rien n'a changé, mais tout s'est aggravé : les vulnérabilités latentes sont devenues des faiblesses manifestes. En termes simples, cela donnait les questions suivantes : Y aurait-il pénurie de pétrole ? Y aurait-il risque de le voir monter encore en cas de conflit déclaré ? Il valait 20 dollars en juillet, il a monté jusqu'à 30/33 dollars, serait-il à 40 ou à 60 dollars demain ?

Ensuite : Quelle hausse de prix supplémentaire directe ou induite ? Quels niveaux du taux de l'argent court ou long ? Quel ralentissement économique, voire quelle récession ? Quel fléchissement ou disparition des résultats des entreprises ? Comme toujours, dans le désarroi, les précautions ont été prises avec excès, dont celui de la panique et du langage : le choc pétrolier avant le choc des armées. En oubliant que la hausse du baril ne résultait pas d'une décision des pays producteurs (comme en 1973/1974 ou en 1979/1980 lorsque les prix avaient respectivement quadruplé et doublé) mais d'un fait involontaire, et qu'elle représentait en l'occurrence un renchérissement de l'ordre de 30 %, ce qui est un inconvénient grave, mais temporaire.

Fin 1990, pour les marchés financiers, la crise du Golfe semblait un drame déjà joué. Ils n'imaginaient pas qu'en cas d'affrontement, à défaut d'un accommodement pacifique, une victoire décisive ne fût pas acquise très rapidement. Leur risque se situait dans l'après-crise. L'avantage était alors, en l'assumant, d'en revenir à un effort de quantification de l'économie future, au lieu de qualifier leurs émois paniques et, ainsi, de se disqualifier.

En bref, ils escomptaient une baisse sensible du baril, phénomène déflationniste, alors que sa hausse est inflationniste. Ceci, dans une activité mondiale également déflationniste. Les pays industriels devraient donc revenir bientôt à leurs inflations structurelles et le loyer de l'argent retomber, condition nécessaire à la relance économique et dont dépend l'amélioration des profits des sociétés.

Dans une telle optique, la France n'a pas été la plus mal placée, encore que le calendrier suivant lequel cette séquence aurait eu ou aura quelque chance de se produire ne fût et ne restât tout à fait imprévisible et que sa politique monétaire et le franc ne fussent étroitement liés aux décisions de l'Allemagne. Or ce dernier pays a besoin d'énormes capitaux pour assurer sa réunification. Préférera-t-il le recours à l'emprunt, en maintenant des taux d'intérêt élevés, ou l'adjuvant de l'impôt ? La mesure de l'un et de l'autre sera l'aune à laquelle toiser notre propre marché.