Japon : une économie vigoureuse

Le Japon a traversé sans difficulté les tempêtes financières et boursières qui l'ont atteint cette année. Devenu le premier créancier mondial, le pays du Soleil levant, continue d'accentuer son avance sur les États-Unis.

Cette année, l'économie japonaise a fait une nouvelle démonstration de sa vigueur. En dépit des trois facteurs négatifs qui l'ont frappée (effondrement de la Bourse, relèvement des taux d'intérêt et crise au Proche-Orient), elle est entrée en décembre dans son quarante-neuvième mois d'expansion continue. Celle-ci étant appelée à se poursuivre au moins jusqu'à la fin de l'année fiscale (mars 1991), avec un rythme de croissance de 5 % sur l'ensemble de l'année, le Japon aura connu ce qu'il est déjà convenu d'appeler le « Heisei boom » (du nom de l'ère impériale actuelle), c'est-à-dire la plus longue période d'expansion ininterrompue depuis la période de haute croissance de la seconde moitié des années 1960 (le « Izanagi boom » : soit 57 mois d'expansion).

Comme les années précédentes, les moteurs de la croissance de la deuxième économie mondiale par la taille ont été la demande interne et les investissements privés. Sur le plan extérieur, bien que le Japon importe son pétrole essentiellement du Proche-Orient, l'invasion du Koweït et la crise du Golfe n'ont pas vraiment affecté son économie. L'effet de la crise s'est toutefois fait sentir sur les comptes extérieurs, accélérant la résorption de l'excédent commercial.

D'une manière générale, la poussée des importations conjuguée à un recul des exportations par rapport à l'année précédente ont conduit à une diminution plus rapide que prévue de l'excédent commercial (− 21 %) au cours de la première moitié de l'année fiscale (qui s'est achevée en septembre) : l'excédent est passé de 39,4 milliards de dollars pour la même période l'année précédente à 30,8 milliards. L'excédent total de la balance commerciale se chiffrait à la fin de l'année fiscale 1989 (le 31 mars 1990) à 63 milliards de dollars.

L'excédent de la balance des paiements courants a enregistré une diminution supérieure (− 47,6 %) : de 29,2, il est tombé à 15,4 milliards pour les six premiers mois de l'année fiscale. L'appréciation du yen par rapport au dollar, qui est passé entre octobre 1989 et octobre 1990 de 142,7 yens pour un dollar aux alentours de 130 yens, devrait cependant contribuer à alléger sensiblement la facture pétrolière.

La spéculation

La vigueur de l'économie nippone a été soulignée plutôt qu'entamée par le dégonflement de la « bulle financière ». Le Japon a remarquablement traversé les tempêtes financières et boursières qui l'ont atteint au premier trimestre et dans le courant de l'été. Les excédents commerciaux conjugués à un renforcement du yen et à des taux d'intérêt restés faibles entre 1987 et 1989 avaient conduit à une situation d'excès de liquidités jusqu'à la fin de l'année dernière. Cet excès a abondamment alimenté les spéculations boursière et foncière qui se sont renforcées l'une et l'autre : entre 1985 et 1989, les prix fonciers avaient augmenté de 21,2 % en moyenne annuelle dans les six plus grandes villes du Japon et l'ensemble du patrimoine foncier japonais équivalait en 1988 à quatre fois celui des États-Unis...

Cette flambée des prix fonciers devenait dangereuse : elle entamait gravement la cohésion sociale en approfondissant le fossé entre ceux qui possèdent un bien immobilier et les autres, ainsi qu'entre les régions. Elle conduisait en outre à une situation de surexposition des établissements financiers, les encours des banques japonaises du secteur immobilier étant estimés en 1990 à quelque 57 000 milliards de yens, soit pratiquement à un quart de leurs engagements. Les autres organismes financiers (sociétés de crédit, compagnies d'assurances, etc.) avaient fourni 32 000 milliards de yens. Plusieurs scandales ont mis en relief les pratiques peu orthodoxes de certaines des plus grosses banques du Japon dans des affaires de spéculation. Ce fut le cas notamment de la banque Sumitomo.