Journal de l'année Édition 1990 1990Éd. 1990

Point de l'actualité

Armes et désarmement

L'année 1989 a été marquée par un retour en force des questions de défense sur la scène internationale. Armes chimiques, armements nucléaires et forces conventionnelles se sont partagé – plus que de coutume – la « une » des journaux. Une page de la course aux armements avait été tournée en décembre 1987 lors de la signature des accords de Washington : pour la première fois, la suppression d'armes nucléaires était envisagée (traité INF sur les missiles à portée intermédiaire). Depuis, sous la pression continue – et savamment médiatisée – de l'activisme soviétique, les propositions de désarmement se sont enchaînées à un rythme sans précédent, obligeant le nouveau président des États-Unis à sortir de sa réserve.

Les armes chimiques

L'« année stratégique 1989 » s'est ouverte sur une initiative des États-Unis reprise par la France. En janvier, François Mitterrand inaugurait la Conférence sur l'interdiction des armes chimiques. Réunissant 149 pays, elle se donnait pour objectif de renforcer le protocole de Genève de 1925, qui interdit l'emploi d'agents chimiques, mais ne prohibe ni leur production ni leur stockage.

Si, à l'aune des résultats, la Conférence ne peut constituer un événement majeur, elle a pesé cependant d'un poids symbolique. Tout d'abord, elle a associé dans un même forum nombre de pays du tiers-monde, lesquels sont plus habitués à voir les problèmes de sécurité et de défense traités en leur absence par les grandes puissances. Ensuite, le sujet même de la Conférence constituait une innovation de taille. Il y a peu, la loi du silence semblait prévaloir en matière d'armes chimiques. Silence qui a surtout favorisé la prolifération de la « bombe du pauvre ». Il aura fallu attendre 1988 pour que les grandes puissances manifestent un quelconque désir de se priver d'un tel arsenal. Après s'être longtemps opposés à des inspections in situ à préavis très court, les Soviétiques avaient convié en octobre 1988 des experts de 45 pays à assister à la destruction d'un projectile chimique sur le site de Chikhany, à 700 km au sud-est de Moscou. En novembre de la même année, des spécialistes soviétiques étaient invités à visiter des installations de destruction d'armes chimiques à Tooele, dans l'Utah. Ce n'est qu'un mois après la Conférence de Paris que les Soviétiques reconnaissaient officiellement détenir des stocks d'armes chimiques. Cet intérêt soudain pour ces dernières s'inscrit de toute évidence dans le cadre du « réchauffement » des relations Est-Ouest. Il ne saurait cependant s'y réduire totalement, tant est grande l'inquiétude de voir les pays du tiers-monde utiliser ce type d'armes dans les régions traditionnellement, instables. Aujourd'hui, tout indique que Washington et Moscou sont prêts à jouer a priori la carte de la transparence pour pouvoir continuer à influer sur leurs alliés respectifs du tiers-monde. De fait, au cours de la Conférence de Paris, ces derniers sont apparus particulièrement unis – parfois alliés contre nature – dans la défense d'une arme qu'ils jugent propre à contenir les pressions du Nord.

L'activisme soviétique

La part faite aux armes chimiques n'a pas éclipsé pour autant les deux grands objectifs du désarmement : le nucléaire et le conventionnel. Face aux initiatives désormais habituelles de Mikhaïl Gorbatchev, l'opinion internationale a pu croire que toutes les innovations en matière de désarmement susceptibles de peser dans le jeu diplomatique des relations Est-Ouest venaient de Moscou. Les premiers mois de la présidence de George Bush ont en effet été marqués par une politique étrangère bien terne. Ce qui, outre-Atlantique, ne laissait pas d'inquiéter une opinion publique plus habituée aux avances spectaculaires de Ronald Reagan qu'au surplace de son nouveau président. Les surnoms de « pauvre George » ou de « concombre mou » hérités de cette période se passent de commentaires. La simple annonce d'un prochain discours du numéro un soviétique plongeait l'entourage du président américain dans la crainte de se trouver confronté à une nouvelle initiative en matière de désarmement, de politique étrangère, voire à la question des droits de l'homme... et dans l'incapacité d'y répondre.

Bush reprend la balle au bond

Le lundi 29 mai, jour du quarantième anniversaire de l'OTAN, George Bush faisait taire les sceptiques. La prise de position américaine, que le président a présentée comme la « plus audacieuse proposition occidentale de l'après-guerre en matière de contrôle des armements conventionnels » a fait l'effet d'un pavé dans la mare. L'offre de la Maison-Blanche tient en quatre points que « l'OTAN devrait négocier avec le pacte de Varsovie » dans le cadre des échanges sur la réduction des forces conventionnelles à Vienne (négociations CAFE) :
1. les plafonds pour les forces terrestres seraient fixés à 20 000 chars de chaque côté, 28 000 véhicules blindés de transports de troupes et entre 16 500 et 24 000 pièces d'artillerie (« l'équipement enlevé sera détruit ») ;
2. l'OTAN accepterait d'étendre le contrôle des armements conventionnels aux avions de combat non embarqués et aux hélicoptères basés dans la zone de l'Atlantique à l'Oural ; c'est-à-dire que 15 % de ces matériels seraient destinés à la casse ;
3. les États-Unis s'engageraient à réduire de 20 % leurs forces en Europe « permettant ainsi l'établissement d'un plafond pour les effectifs terrestres et aériens américains et soviétiques, stationnés hors de leur territoire national, de 275 000 chacun », ce qui équivaut à amputer de 325 000 hommes les effectifs soviétiques cantonnés en Europe de l'Est et signifie le retour de 30 000 GI's à la maison ;
4. enfin, George Bush proposait que l'OTAN et le pacte de Varsovie accélèrent leur calendrier en vue d'un accord sur les armements conventionnels (CAFE). L'URSS avait jusqu'alors proposé 1997 comme date butoir, le président américain souhaitait un accord dans les six mois à un an pour que les réductions soient réalisées en 1992 ou 1993.