Journal de l'année Édition 1990 1990Éd. 1990

Point de l'actualité

La dette du tiers-monde

Pour la première fois depuis l'éclatement de la crise de la dette en 1982, le montant total de l'endettement des pays en développement s'est stabilisé en 1989 à près de 1 300 milliards de dollars.

Le plan Brady

En première analyse, la gestion de la crise de la dette internationale a fait d'indéniables progrès depuis quelques années : les rééchelonnements successifs ont mieux pris en compte la situation des pays débiteurs en autorisant des périodes de grâce plus longues, des renégociations pluriannuelles des obligations de paiement, des marges moins élevées par rapport aux taux directeurs (LIBOR notamment). 1989 apparaît même comme une année charnière, au cours de laquelle les pouvoirs publics se sont officiellement saisis du dossier : le passage du « plan Baker » de 1985 au « plan Brady » (Ce « plan » fut ainsi nommé car il fut présenté lors d'un discours du secrétaire du Trésor américain Nicholas Brady, le 10 mars 1989. Le plan Brady lui-même apparaît comme l'aval officiel des États-Unis à une approche prônée dès septembre 1988 par la France devant l'Assemblée générale des Nations unies et par le Japon devant l'Assemblée annuelle du Fonds monétaire international, illustrant bien qu'à l'échelle d'un problème comme celui-là le poids des États-Unis restait indispensable pour valider toute initiative diplomatique sérieuse.) de 1989 se caractérise par une approche plus volontariste, et par une officialisation trop longtemps attendue du principe de l'effacement au moins partiel des créances. Les premières « applications » de ce plan ont concerné le Mexique et les Philippines. À la fin de 1989, des négociations étaient en cours avec d'autres pays, dont le Venezuela et le Maroc.

Jusqu'en 1989, et en dépit des discours, la logique de gestion des problèmes de l'endettement est restée dominée par les aspects financiers : comment les pays endettés et leurs créanciers doivent-ils gérer les difficultés de paiement des charges du service de la dette ? Rééchelonnements après rééchelonnements, on continue à favoriser l'hypothèse d'« illiquidité », c'est-à-dire de difficultés temporaires qui peuvent se résoudre par injection de nouveaux fonds et donc accroissement de la dette, alors qu'il devient patent qu'il s'agit d'une situation d'« insolvabilité » dans laquelle il est vain d'escompter que les pays en question puissent faire face dans un avenir prévisible à leurs obligations de paiement. En outre, le poids de la dette intervient de façon indirecte mais souvent déterminante dans leur capacité à mettre en œuvre les réformes économiques nécessaires : celles-ci perdent leur crédibilité interne dès lors qu'elles sont perçues comme étant dictées par les créanciers. Force est à cet égard de constater que la conditionnalité du FMI, élément clé de la stratégie de gestion de la dette, aussi bien du point de vue des créanciers, qu'elle rassurait sur la bonne gestion économique du pays, que de celui des débiteurs, dont elle était censée permettre le redressement économique et le retour sur les marchés des capitaux, n'a pas conduit à une amélioration sensible de la situation économique des pays endettés. On peut donc légitimement se demander à quoi ont servi les programmes d'ajustement. Ils ont, en fait, été mal appliqués, et n'ont concerné que l'ajustement externe, effectué au détriment de la demande intérieure, et notamment de l'investissement, pourtant clé de la croissance future.

Le nécessaire changement

Car l'élément le plus préoccupant de la situation des pays les plus endettés est le recul, puis la stagnation du niveau d'investissement depuis 1982. Dès lors, il apparaît clairement que le problème n'est pas tant celui de la dette et de son service que celui du développement économique des pays appauvris, alors même qu'y est souvent à l'œuvre en même temps un difficile processus de transition démocratique. La dette, cependant, ajoute aux obstacles du développement, et sa charge obère les capacités de financement de l'économie. D'où la situation extrêmement pernicieuse qui s'est développée sous couvert de l'orthodoxie financière, et qui conduit depuis quelques années les pays les plus endettés à financer l'économie internationale, puisque les transferts financiers nets reçus par ces pays sont fortement négatifs.