Calgary 88
XVes jeux Olympiques d'hiver

1 445 athlètes en lice, 57 pays représentés, plus de 1,5 million de spectateurs ; ces chiffres ont illustré la parfaite réussite des jeux Olympiques de Calgary, les meilleurs jamais organisés selon Juan Antonio Samaranch, président du Comité international olympique. Un compliment sincère qui consolera les Canadiens de ne pas avoir pu arracher une seule petite médaille d'or au cours de ces 16 jours de compétition âprement disputée. Pas même celle du hockey sur glace, domaine réservé d'une équipe soviétique impériale.

Comme il y a quatre ans à Sarajevo, l'ensemble des épreuves a été dominé par l'URSS et la RDA, amassant à elles seules 20 titres. Face à ces deux colosses de l'Est, la Suisse est parvenue à tirer son épingle du jeu. Elle le doit à la vitalité de son ski alpin, dont les plus beaux fleurons ont été Pirmin Zurbriggen, roi de la descente, et Vreni Schneider, double médaillée d'or en géant et en slalom spécial. Mais un nom restera à jamais associé aux XVe olympiades d'hiver, celui du Finlandais volant Matti Nykaenen, auteur d'un triplé historique aux tremplins de 70 m, de 90 m et dans l'épreuve par équipes. L'homme-oiseau rejoint ainsi dans la légende le Norvégien Berger Ruud, médaillé d'or en 1932 et en 1936. Suivant son exemple, trois autres champions se sont également distingués : la patineuse de vitesse néerlandaise Yvonne Van Gennip, qui, venue sans grands espoirs, est repartie cousue d'or (1 500 m, 3 000 m, 5 000 m) ; l'Italien Alberto Tomba, propulsé au rang de vedette internationale après ses deux victoires en géant et en slalom spécial ; le Suédois Gunde Svan, bourreau des fondeurs soviétiques au 50 km et dans le relais 4 × 10 km.

Pour la France, le bilan est nettement moins glorieux. Les médailles providentielles de Franck Piccard (or en super-géant, bronze en descente) n'ont pas suffi à masquer l'échec total et incompréhensible de l'équipe féminine de ski alpin pourtant si efficace au début de la saison. On attendait les filles (Carole Merle, Catherine Quittet, Christelle Guignard), ce furent les garçons. Une nouvelle fois, le rendez-vous de Calgary a souligné la faiblesse du ski et des sports de glace français, qui, malgré des aides financières et structurelles largement suffisantes dans la plupart des disciplines, sont loin d'avoir un rayonnement international. En réalité, à l'exception du couple de danse Isabelle et Paul Duchesnay, injustement noté par des juges partiaux, personne n'a échappé au naufrage. Ainsi va le sport français fait de surprises et d'incohérences ? Dans quatre ans, les prochains Jeux auront lieu à Albertville, en Savoie. S'il n'y a pas trop d'inquiétudes à avoir sur la capacité de nos dirigeants à organiser une telle manifestation, en revanche, le doute persiste quant à nos possibilités de gagner un nombre honorable de médailles. Souhaitons seulement que le mouvement sportif français tout entier (athlètes, éducateurs, techniciens, entraîneurs, etc.) en prenne conscience et se mette d'urgence au travail. Puisse la réussite de Franck Piccard leur servir d'exemple.

Ski alpin

Messieurs

Descente

Au sommet de son art, le Suisse Pirmin Zurbriggen a conquis son premier titre olympique, devant le champion du monde de la spécialité, son compatriote Peter Mueller.

Médaille de bronze, Franck Piccard a démontré qu'il était bien le successeur annoncé de Jean-Claude Killy. Après 15 ans de crise, le ski français masculin a enfin retrouvé des couleurs.

Combiné

Les Autrichiens Hubert Strolz et Bernhard Gstrein ont profité de la malchance des favoris pour réussir le doublé. Bon comportement des Français avec la quatrième place de Luc Alphand et la sixième de Jean-Luc Crétier.

Super-G

Au terme d'une course où sa science de la trajectoire a fait merveille, Franck Piccard est devenu champion olympique, confirmant ainsi sa médaille de bronze obtenue en descente. Depuis 1968, l'année du triomphe de Jean-Claude Killy à Grenoble, aucun Français n'était parvenu à réaliser un tel exploit.

Slalom géant

Une étoile est née sur les pistes du mont Allan, où Alberto Tomba a surclassé tous ses adversaires. À la souplesse, il a ajouté la puissance, si bien qu'aujourd'hui, comme à une époque avec Patrick Russel et Gustavo Thoeni, il apparaît en avance sur son temps, préfigurant ce que sera le ski de l'an 2000. Blessé à réchauffement, Franck Piccard n'a pas pris le départ.

Slalom spécial

Deuxième titre olympique pour l'Italien Alberto Tomba, qui a devancé l'Allemand de l'Ouest Woerndl de six centièmes de seconde, soit à peu près 20 centimètres. Avant lui, seuls Toni Sailer (1956), Jean-Claude Killy (1968) et Ingmar Stenmark (1980) avaient pu accomplir une telle performance.

Franck Piccard super-géant

Seul Français ayant remporté des médailles (or en super-géant, bronze dans la descente), alors qu'il n'avait jamais encore gagné de course en Coupe du monde, Franck Piccard (né le 17 septembre 1964 aux Saisies) est passé en moins d'une semaine de l'anonymat au vedettariat. Le succès d'un homme de la montagne aussi bien équilibré sur ses skis que dans sa tête. Celui d'un homme admirable de lucidité, technicien hors pair, qui compense le handicap d'un gabarit modeste par une souplesse féline et une manière toute personnelle de répartir dans les dévers les plus difficiles le poids de son corps d'un ski sur l'autre. Le résultat d'un travail acharné de dix ans accompli sous la houlette de son entraîneur Serge Guillaume. Champion olympique 20 ans après Jean-Claude Killy, Franck Piccard sait maintenant qu'il devra assumer la lourde charge de chef de file du ski français. Lors des prochains Jeux à Albertville, en 1992, il aura 28 ans. L'âge d'or. La couleur aussi d'un métal qui sied parfaitement au teint du Savoyard. Parions qu'il sera exact au rendez-vous.

Tomba la « bomba »

En deux jours, Alberto Tomba (né le 19 décembre 1966 à Lazzaro di Savenna) est entré dans la légende du ski alpin. Pour sa première participation aux jeux Olympiques, le fantasque et truculent Italien s'est adjugé le géant et le slalom spécial devant tous les principaux favoris. Son caractère expansif, sa décontraction, ses pitreries en font un individu hors du commun qui ne laisse personne indifférent. Sa fantaisie lui permet de bien supporter toutes les formes de pression contrairement à beaucoup de ses adversaires. Doté de moyens physiques impressionnants (1,82 m, 90 kg) et encore loin des limites de ses potentialités selon les dires de la plupart des entraîneurs présents au Canada, le monde du ski semble désormais lui appartenir. Il devra maintenant le prouver en se lançant sur les pistes de descente. Il deviendra alors un champion complet dans la lignée des plus grands.

Dames

Descente

Abonnée depuis longtemps aux seconds rôles, l'Allemande de l'Ouest Marina Kiehl a profité de conditions climatiques favorables pour dominer, dans une course qui ressemblait trop à une loterie, les deux favorites de l'épreuve, les Suissesses Maria Walliser et Michela Figini, les principales victimes d'un vent capricieux. En l'absence de Catherine Quittet, aucune Française ne se classe parmi les dix premières.

Combiné

Compte tenu de sa faiblesse en slalom, Carole Merle, malgré son succès, en descente, n'a pu s'imposer au total des deux courses. Le titre est revenu à la plus régulière de toutes, l'Autrichienne Anita Wachter, deuxième dans l'épreuve du slalom spécial.

Super-G

Victoire sans surprise de la reine de la spécialité, Sigrid Wolf, qui a donné à l'Autriche sa troisième médaille d'or après celles d'Hubert Strolz et d'Anita Wachter. Déroute des Françaises, une nouvelle fois incapables de se surpasser dans les grandes occasions.

Slalom géant

Conformément à la logique des palmarès antérieurs, la moins connue des vedettes suisses, Vreni Schneider l'a emporté très largement. Troisième, Maria Walliser a confirmé le retour au premier plan de l'équipe féminine helvétique jusqu'alors fort discrète. Malgré le tir groupé de Quittet 8e, Merle 9e, Guignard 10e, les Françaises ont encore déçu.

Slalom spécial

Après l'Américaine Mead Lawrence (1952) et la skieuse du Liechtenstein Hanni Wenzel (1980), Vreni Schneider est la troisième dans l'histoire des jeux Olympiques à gagner les deux slaloms. À 23 ans, l'enfant timide du petit village d'Elm est en passe de faire oublier à ses compatriotes l'incomparable Lise-Marie Morerod. Sur l'ensemble de la compétition, nos représentantes n'ont pas gagné de médaille. Il s'agit là d'un signal d'alarme sérieux pour l'équipe de France féminine au sein de laquelle Perrine Pelen n'a toujours pas été remplacée.

Ski nordique

Messieurs

Ski de fond (15 km)

Malgré le Norvégien Mikkelsplass, les fondeurs soviétiques ont empoché un nouveau succès. 26e, Jean-Luc Thomas s'est affirmé comme le leader de l'équipe de France.

30 km

Fiasco des stars suédoises, Gunde Svan et Thomas Wassberg, qui ont laissé la voie libre aux coureurs soviétiques.

50 km

Revanche de Gunde Svan, qui a prouvé à tous ses détracteurs qu'il restait encore, à 26 ans, un grand du ski de fond. Classé 17e, Claude Pierrat a démontré qu'il pourrait, à l'avenir, rivaliser avec les meilleurs.

Relais 4 × 10 km

Amoindris par la chute de deux de leurs relayeurs, les Soviétiques se sont inclinés face à des Suédois ressuscites avant l'épreuve reine des 50 km.

Combiné nordique

Dans une discipline bien maîtrisée par les nations alpines, les représentants des pays de l'Est se sont contentés d'une médaille de bronze.

Combiné nordique (par équipes)

Après une lutte acharnée avec la Suisse, l'Allemagne de l'Ouest s'est adjugé la médaille d'or. Les juniors français ont fini à une brillante huitième place génératrice d'espoir.

Saut (70 M)

Grâce à deux sauts magistraux à 89,5 m, Matti Nykaenen, le Finlandais volant, a survolé la compétition.

Saut (90 m)

En gagnant son deuxième titre olympique, Matti Nykaenen a poursuivi son envol.

Saut (90 M – par équipes)

Conduite par le phénoménal Nykaenen, la Finlande n'a eu aucune peine à vaincre.

Biathlon (10 km)

Sous la menace permanente des bi-athlètes soviétiques, l'Allemand de l'Est Roetsch a eu les nerfs suffisamment solides pour l'emporter.

Biathlon (20 km)

Confirmation de l'invulnérabilité de Franz Peter Roetsch.

Biathlon (relais 4 × 7,5 km)

Mal soutenu par ses coéquipiers, Roetsch a échoué dans sa tentative de conquérir un troisième titre. La France termine dixième à 7′ 52″ des Soviétiques.

Dames

Ski de fond (5 km)

Pour une seconde et trois dixièmes, la petite fée finlandaise Marjo Matikainen a empêché l'équipe d'URSS d'accomplir le grand chelem.

10 km

Victoire inattendue de Vida Ventsene, qui a mis fin à un règne de huit années des fondeuses Scandinaves.

20 km

Triplé soviétique. Dans le camp Scandinave, l'atmosphère est digne d'une période qui précède les révolutions de palais.

Relais 4 × 5 km

Le relais a permis à l'URSS, de confirmer sa supériorité d'ensemble.

Patinage de vitesse

Messieurs

500 m

1 000 m

1 500 m

5 000 m

10 000 m

Dames

500 m

1 000 m

1 500 m

3 000 m

5 000 m

Patinage artistique

Messieurs

Tout le monde attendait le sacre du Canadien Brian Orser, qui avait l'avantage de patiner devant son chaleureux public. Mais, grâce à huit triples sauts parfaitement réussis et à son sens inné du spectacle, l'Américain Brian Boitano a déjoué les pronostics, confirmant qu'il était bien actuellement le numéro 1 mondial. Quant au Français Axel Médéric, sa quinzième place est la preuve qu'il lui reste encore beaucoup de travail à fournir pour parvenir à rivaliser avec les cracks de la discipline.

Dames

Paralysée par la peur, la Noire américaine Debi Thomas a laissé le titre à sa grande rivale Katarina Witt, toute heureuse de l'emporter après sa décevante exhibition des figures libres. Le duel entre les deux Carmen avait tourné à l'avantage de la plus expérimentée.

Katarina Witt : la valse de l'adieu

Habillée à l'espagnole pour accentuer le trait de la Carmen de Bizet, allongée sur la glace au final, Katarina Witt a brillamment terminé sa carrière en remportant à Budapest son quatrième titre mondial, un mois seulement après avoir obtenu une seconde médaille d'or olympique. À moins de 23 ans, elle abandonne la compétition munie d'un palmarès unique au monde, comparable à celui de la célèbre star norvégienne des années 30, Sonja Henie. Mais que ses fidèles admirateurs se rassurent : la ravissante Allemande de l'Est n'a pas définitivement raccroché ses patins, puisqu'elle vient, en échange d'une pluie de dollars, de signer un contrat professionnel avec la célèbre revue américaine Holiday on Ice. L'ensorceleuse n'a pas encore fini de faire tourner les têtes. Et personne ne s'en plaindra.

Palmarès

– Née le 3 décembre 1965 à Staaken.