La politique régionale

Freinée par rapproche des élections et par l'inflation des interventions contradictoires, l'action régionale se concentre désormais sur des objectifs sélectionnés.

Il a fallu attendre le 13 avril 1987 pour que le gouvernement constitué un an plus tôt exprime sa conception en matière de politique d'aménagement du territoire. Encore ne l'a-t-il fait que de manière assez générale, en définissant seulement les grandes lignes de ses orientations, sauf pour le schéma des autoroutes à l'horizon 1993.

Si les grands équipements routiers, autoroutiers et de travaux publics se réalisent au rythme prévu, les autres volets de l'aménagement du territoire ont bien du mal à trouver un contenu concret, au-delà des incantations, des discours ministériels, des études, des professions de foi relayés par d'innombrables colloques, rencontres et rapports.

L'aménagement du territoire : cinq noyaux durs

La politique d'aménagement du territoire est fondamentale dans la mesure où elle devrait être la traduction géographique de la solidarité nationale et de l'équilibre de la croissance. Or, l'aménagement du territoire est devenu une sorte de machine à produire du papier et à nourrir des discours d'autant plus abondants qu'on se rapproche de l'échéance électorale de mai 1988.

Pierre Méhaignerie, Breton, ministre en charge de cette politique, a essayé, tout au long de l'année 1987, souvent à contre-courant, de faire admettre qu'en dépit du vent libéral et des rigueurs budgétaires, l'État, relayé par les Régions, ne devait pas abandonner l'aménagement du territoire, mais au contraire, garder les moyens d'une politique volontariste de localisation des activités. Quelques jours après le comité interministériel du 13 avril, il nommait l'un de ses plus fidèles compagnons de route, Jean-François Carrez, à la tête de la Délégation à l'aménagement du territoire (DATAR).

La politique de MM. Méhaignerie et Carrez s'articule autour de cinq noyaux durs :
– l'amélioration des grandes infrastructures de transport, dans une perspective européenne.
– le maintien de la politique de conversion industrielle, au cas par cas, dans les Régions affectées par des réductions massives d'emplois.
– la relance de la décentralisation administrative.
– la lutte contre la désertification d'une partie du monde rural.
– enfin, la préparation d'une nouvelle génération de « contrats de plan ».

Examinons successivement ces cinq chapitres, en soulignant que le rapport Guichard, remis à Pierre Méhaignerie en novembre 1986, sert de référence, à tel point que, souvent, tel ou tel élu, tel ou tel organisme le considère, à tort, comme l'expression de la politique officielle.

Priorité aux transports

Pour les autoroutes, incontestablement, le gouvernement s'est engagé dans un effort considérable. D'abord, parce que le désenclavement est un mot magique qui séduit toujours les responsables politiques et économiques. Ensuite, parce que, si l'on regarde une carte des grandes liaisons autoroutières Nord-Sud ou Est-Ouest de l'Europe, on constate sur la France une tache encore bien blanche. La décision de créer un axe Grande-Bretagne-Rouen-Nantes-Bordeaux-Espagne ou une transversale autoroutière traversant le Massif central vers Bordeaux et vers Genève illustre la volonté d'insérer la France dans les grands courants de trafic internationaux sans succomber à la tentation de tout faire converger vers Paris et l'Île-de-France, déjà sursaturée. Et qu'en sera-t-il lorsqu'ouvrira en 1993 Disneyland à Marne-la-Vallée ? De même, la décision prise au début de l'automne avec les Belges, les Britanniques et les Allemands de lancer les travaux du TGV nord-européen, en faisant de Lille une plaque tournante essentielle entre Bruxelles, Cologne, Londres et Paris, constitue une orientation géopolitique de l'aménagement du territoire d'une portée capitale, même si les effets n'en seront visibles qu'à moyen terme.

Rattachons à ce chapitre l'engagement des pouvoirs publics de continuer, pas à pas, les travaux de jonction par un canal à grand gabarit du Rhin à la Saône et au Rhône, un ouvrage fort coûteux, d'une rentabilité aléatoire, mais très réclamé de Montpellier à Strasbourg. Enfin, les grands ports maritimes, engagés dans une compétition féroce avec Anvers, Rotterdam, Barcelone ou Gênes, recevront une dotation globale de 1,4 milliard de francs, prise sur les ressources des privatisations, à la fois pour alléger leur endettement, achever des travaux d'infrastructure indispensables et financer les plans sociaux prévoyant la réduction des effectifs de dockers. Sur ce dernier point, les accords conclus au Havre, à Dunkerque et, enfin, à Marseille le 9 novembre sont exemplaires et de nature à redorer la réputation de ces points d'ancrage du négoce et des activités industrielles.