Journal de l'année Édition 1988 1988Éd. 1988

Point de l'actualité

La guerre du Golfe

La recrudescence de la guerre entre l'Iraq et l'Iran a posé de nouveau la question de la sécurité des flux de pétrole en provenance du golfe Persique. Point stratégique à l'issue du Golfe, le détroit d'Ormuz avait déjà fait l'objet d'une menace iranienne en 1983, qui avait fait craindre une paralysie du trafic. Présenté comme une menace en direction de l'Occident, et notamment de la France, pour obtenir l'arrêt de tout soutien à l'Iraq, l'éventuel blocage du détroit pose en termes stratégiques et politiques de nombreuses contraintes. En cas de fermeture du détroit d'Ormuz, près d'un tiers des exportations du Golfe pourrait être acheminé par les oléoducs de Kirkouk, en Iraq, et de Dortyol en Turquie. Le minage des eaux se heurte à la force des courants qui obligent à utiliser des mines ancrées entre deux eaux, et non des mines flottantes : la présence d'hélicoptères détecteurs de mines et de bâtiments spécialisés lève partiellement cette menace. L'autre hypothèse qui consisterait à couler de grands navires est également peu réaliste. La profondeur des eaux sur la rive sud et la possibilité pour des bâtiments à faible tirant d'utiliser des chenaux parallèles rendent cette solution techniquement contournable. Enfin, la dépendance de l'Occident envers les exportations en provenance du Moyen-Orient s'est considérablement amoindrie. Le flux de pétrole à destination de l'Europe a été divisé par sept entre 1980 et 1986, et par cinq en ce qui concerne les États-Unis. La dépendance de la France vis-à-vis du Moyen-Orient ne représente plus actuellement que 25 p. 100 de l'approvisionnement national contre 75 p. 100 en 1979. Seul le Japon reste essentiellement tributaire de cette région.

Le conflit dure depuis huit ans. Et il est de plus en plus douteux qu'il puisse s'achever par la victoire militaire de l'un ou l'autre camp.

L'année 1987 a été marquée par la reprise de la guerre des villes et par l'extension du conflit aux eaux du Golfe. Rapidement, la situation allait devenir préoccupante pour les pétroliers. Le 9 mai au soir, le navire soviétique Maréchal Chouykov était endommagé par une mine près de l'émirat du Koweït. Avec l'épisode de la frégate américaine, attaquée par deux avions iraqiens, la tension dans les eaux du Golfe montait d'un cran. Les intérêts français se retrouvaient directement menacés : le 13 juillet, le porte-conteneurs Ville-d'Anvers était pris à partie par deux vedettes iraniennes. Quatre jours plus tard, sur fond d'affaire Wahid Gordji, le gouvernement français annonçait la rupture de ses relations diplomatiques avec Téhéran. Les autorités iraniennes enregistraient avec satisfaction l'incident du Bridgeton : ce pétrolier koweïtien, placé sous pavillon américain, et escorté par trois navires de l'US Navy, était à son tour endommagé par une mine à proximité de l'île iranienne de Farsi.

Trois jours après la décision de Paris d'envoyer le Clemenceau en mer d'Oman, le Djihad islamique faisait parvenir une cassette vidéo montrant deux des cinq otages détenus au Liban et accusait Paris de rendre « impossible » leur libération. À l'issue de manœuvres navales iraniennes, les États-Unis reprenaient en force l'escorte des pétroliers du Koweït. Conjointement, Paris et Londres annonçaient leur intention de dépêcher des chasseurs de mines pour protéger leurs navires respectifs. À la fin du mois d'août, l'Iran envoyait des vedettes rapides tirer au lance-roquettes contre des navires marchands dans le Golfe.

La visite du secrétaire général de l'ONU, entre le 11 et le 15 septembre, d'abord à Téhéran, puis à Bagdad, n'aura pas empêché la reprise de la « guerre des pétroliers ». L'internationalisation du conflit se poursuivait durant le mois d'octobre : la RFA décidait de l'envoi de navires en Méditerranée pour marquer « sa solidarité envers ses alliés ». Au Conseil de sécurité de l'ONU, les résolutions se suivaient alors même que les affrontements se durcissaient dans le Golfe.

Philippe Faverjon