Journal de l'année Édition 1988 1988Éd. 1988

Point de l'actualité

Menaces sur l'ozone

En filtrant les rayons ultraviolets solaires les plus nocifs pour les êtres vivants, la couche d'ozone qui enveloppe la Terre entre 15 et 40 km d'altitude (et particulièrement vers 25 km) joue un rôle essentiel pour le maintien de la vie sur la planète. Or, d'après certaines mesures récentes, effectuées par satellite, cette couche semble se raréfier progressivement : la concentration de l'atmosphère en ozone aurait globalement diminué de 4 à 5 p. 100 depuis 1979 ; dans l'hémisphère Sud, à des latitudes moyennes, la chute atteint même 18 p. 100. Qui plus est, on enregistre également depuis 1979 un véritable « trou » dans la couche d'ozone, au-dessus de l'Antarctique. Ce trou apparaît chaque année au début du printemps austral (septembre-octobre) et disparaît en été, mais se reforme l'année suivante en s'agrandissant : en octobre 1985, la concentration moyenne en ozone à l'aplomb de l'Antarctique était près de 40 p. 100 plus faible qu'en octobre 1979. Des études complémentaires, effectuées sous l'égide de la NASA entre le 17 août et le 29 septembre 1987 à l'aide de deux avions, volant l'un à 12 000 m, l'autre à 18 000 m, ont confirmé la réalité du phénomène et permis d'établir que la concentration en ozone à 70 et 80° de latitude sud avait encore diminué de 15 p. 100 par rapport à sa valeur de 1985.

Les bombes aérosols incriminées

Quelles sont les causes de la déchirure annuelle du bouclier d'ozone au-dessus de l'Antarctique ? Existe-t-il une relation entre ce trou localisé et la diminution globale de la concentration de l'atmosphère en ozone ? Sur ces deux points, les avis des spécialistes divergent. Le trou d'ozone observé aux hautes latitudes australes pourrait être, au moins partiellement, la conséquence de la météorologie très particulière qui règne à l'aplomb du pôle. La plupart des experts sont cependant convaincus que le phénomène ne s'explique pas par des mécanismes purement naturels, mais qu'il résulte surtout, comme la diminution globale de la concentration en ozone, des émissions dans l'atmosphère de chlorofluorocarbones (CFC) dues aux activités humaines. Très appréciés pour leur inertie chimique (ils ne risquent pas d'engendrer d'explosions au contact de l'air), ces gaz ont, en effet, de nombreuses applications industrielles : on les utilise notamment comme agents propulsifs dans les bombes aérosols, mais aussi comme réfrigérants et comme émulsifiants. On en consomme chaque année 1 kg par habitant aux États-Unis, 0,8 kg en Europe et 0,6 kg au Japon. Plus d'un million de tonnes sont produits annuellement dans le monde. Les CFC libérés dans l'atmosphère montent lentement dans la stratosphère où le rayonnement ultraviolet les décompose. Ils libèrent alors du chlore qui catalyse la réaction de dissociation de l'ozone en oxygène.

Premières mesures de sauvegarde

En 1985, vingt-huit nations avaient adopté à Vienne une convention de l'ONU sur la protection de l'ozone, mais sans parvenir à élaborer un accord limitant l'emploi des chlorofluorocarbones. Un progrès significatif a été accompli cette année. Le protocole adopté le 16 septembre, à l'issue d'une conférence internationale qui réunissait à Montréal les délégués de quarante-six nations, prévoit que les pays industrialisés stabiliseront d'ici à 1989 leur consommation de CFC, puis la réduiront de 20 p. 100 avant 1994 et de 50 p. 100 avant 1999. Malgré l'opposition des États-Unis, les pays membres de la CEE (57 p. 100 de la production mondiale de CFC) ont obtenu que leurs obligations fassent l'objet d'un quota global au lieu d'être décomptées séparément. Les pays de l'Est ont fait admettre que l'obligation de stabiliser leur consommation de CFC ne leur soit applicable qu'au terme de leurs plans quinquennaux, fin 1990. Malgré cet accommodement, l'URSS a différé sa signature. Quant aux pays en voie de développement, ils n'auront à appliquer le programme de réduction de leur consommation de CFC que dans un délai de dix ans, sous réserve que cette consommation n'excède pas 0,3 kg par an et par habitant.

Si cet accord ne met pas encore fin à la production de CFC, il n'en constitue pas moins déjà un premier pas appréciable pour la sauvegarde de la couche d'ozone.

Cependant, on doit aussi se préoccuper de l'évolution de leur teneur en ozone à basse altitude : si 90 p. 100 de l'ozone atmosphérique se concentrent dans la stratosphère, les 10 p. 100 restants, situés dans la troposphère, entre 0 et 12 km d'altitude, jouent un rôle essentiel dans l'écologie de notre planète. Or, la teneur en ozone de la troposphère s'accroît régulièrement depuis la fin du siècle dernier sous l'effet de la pollution liée à l'industrialisation.

Philippe de La Cotardière