Un jeune centenaire : l'Institut Pasteur

L'Institut Pasteur mène toujours la lutte contre les germes pathogènes et tient une place majeure en immunologie et en biologie du développement. Au mois d'octobre 1987, il a fêté son centième anniversaire.

Le 1er mars 1886, l'académie des Sciences lançait un appel à une souscription publique en vue d'édifier « un établissement pour le traitement de la rage après morsure ». À cet appel devait aussitôt répondre, non seulement toute la France, mais le monde entier. Chacun voulait participer dans tous les pays ; les pauvres comme les riches ; le facteur d'un bourg normand comme le tsar de toutes les Russies ; un gendarme du Jura comme l'empereur du Brésil ; un « braconnier » anonyme comme le directeur de New York Herald Tribune ou le régiment des lanciers du Bengale. Et, le 14 novembre 1888, en présence du président de la République et des membres du gouvernement, était inauguré ce qui apparut bien comme le premier établissement entièrement consacré aux recherches sur les sciences de la vie pour la santé des hommes : l'Institut Pasteur.

L'incroyable chemin qui, de l'asymétrie des cristaux de tartrate et de la cristallographie, avait conduit Pasteur, par petits bonds successifs, à travers la bière, le vin, les vers à soie, les poules, les moutons, jusqu'à la vaccination contre la rage, avait créé un domaine de la biologie et de la médecine entièrement nouveau. À la fin des années 1870, Pasteur et le groupe de chercheurs qui l'entouraient avaient acquis la conviction que chaque maladie infectieuse était causée par un être vivant microscopique, un microbe. Aussi, pour chaque maladie, aussi bien celles des hommes que celles des animaux, le premier objectif était-il d'isoler le microbe responsable, de le cultiver, de l'étudier, de le caractériser.

Les pastoriens

Aussi prestigieux qu'ait pu être le baptême, les débuts n'en furent pas moins fort modestes. Cinq services dits « de microbie ». Cinq savants de formation et de personnalité très diverses réunis autour du Maître : Duclaux, chimiste prestigieux ; Chamberland, agrégé de physique ; Grancher, médecin ; Metchnikoff, cet homme de 43 ans accouru du fond de l'Ukraine, « le visage enflammé, l'œil brillant, les cheveux embrouillés, tout à fait l'air du démon de la science », et enfin le docteur Roux, l'élève dévoué au Maître. Après Pasteur, ce fut Émile Duclaux qui dirigea l'Institut. Après Duclaux, Émile Roux.

Depuis sa création, l'histoire de l'Institut Pasteur est jalonnée de noms et de découvertes qui marquent l'évolution de la biologie et la lutte contre certains des grands fléaux de l'humanité. De la découverte de la sérothérapie par Roux, Martin et Chailloux, en 1894, jusqu'à celle du virus du Sida par Montagnier et ses collaborateurs en 1984, les pastoriens apporteront une étonnante moisson de résultats : l'isolement du bacille de la peste par Yersin ; la vaccination contre la diphtérie par Ramon ; la découverte de l'immunité humorale par Bordet ; celle des voies de transmission du typhus par Charles Nicolle ; celle de la phagocytose et des maladies inflammatoires par Metchnikoff ; la mise au point du BCG par Calmette et frères ; la découverte du bactériophage par Hérelle ; la mise en évidence du rôle des facteurs de croissance par Lwoff ; la découverte des sulfamides par les Tréfouël, Nitti et Bovet ; celle des antihistaminiques par Bovet ; les débuts de la biologie moléculaire et la découverte des particularités structurales des anticorps par Oudin ; un vaccin antipoliomyélitique par Lépine ; l'isolement du récepteur de l'acétylcholine par Changeux ; tous ces travaux vaudront aux pastoriens huit prix Nobel entre 1907 et 1965.

Priorité à la recherche appliquée

Lors de l'inauguration de l'Institut, Pasteur le définit ainsi : « un dispensaire..., un centre de recherches et un centre d'enseignement ». Mais, depuis sa création, l'Institut Pasteur s'est distingué des autres organismes de recherche et d'enseignement par un certain nombre de particularités. De formation scientifique ou médicale, le pastorien est longtemps resté en marge des structures et des carrières officielles. Médecin sans clientèle, pharmacien sans officine, chimiste sans industrie, universitaire sans chaire, son statut se distinguait par un style et surtout un lieu de travail : il s'adonnait à ses recherches à l'Institut Pasteur. Cette diversité de formations et de talents réunis en un même lieu pour y étudier un même matériel sous ses aspects les plus divers, c'était, avant la lettre, ce qu'on appelle maintenant la « recherche interdisciplinaire ». Si, aujourd'hui, les pastoriens ont fini par acquérir un statut, leur communauté n'en a pas moins conservé sa diversité, puisqu'elle comprend des chercheurs d'origines variées, CNRS, INSERM, INRA, ainsi que de très nombreux stagiaires étrangers.