Tchernobyl et la sûreté des centrales nucléaires

Le 26 avril 1986, à Tchernobyl, en URSS, s'est produit le plus grave accident de l'histoire de l'énergie nucléaire. Quelles seront ses conséquences ? Quels sont les moyens prévus pour éviter de telles catastrophes ?

À 130 kilomètres au nord de Kiev, à 4 kilomètres de la ville nouvelle de Pripiat, sont implantées les quatre unités de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Le 26 avril 1986, vers une heure du matin, les unités 1, 2 et 3 fonctionnent normalement. L'équipe de conduite de la 4e unité prépare un essai avant de la mettre à l'arrêt, conformément au programme d'exploitation.

À 1 h 24, deux violentes explosions détruisent le bâtiment du réacteur no 4. Des flammes de plus de 30 mètres de haut illuminent les alentours. Des matières incandescentes sont projetées dans l'atmosphère. En retombant, elles allument d'autres incendies, notamment dans la salle des machines. Les autres unités de la centrale sont mises à l'arrêt, le personnel est évacué. Les pompiers de l'installation, auxquels se joignent ceux de Pripiat, puis ceux de Kiev, luttent contre l'incendie. Mais celui-ci n'est maîtrisé qu'après 12 jours d'efforts, alors que 5 000 tonnes de sable et de matériaux divers ont été déversés sur le réacteur par hélicoptères. L'évacuation des populations des cités voisines commence 36 heures après l'accident.

Pendant plus d'une semaine, des produits radioactifs provenant du coeur du réacteur sont portés à haute altitude par la colonne de gaz chauds, puis entraînés par les courants aériens au-dessus de la Russie et d'une grande partie de l'Europe, qui ignore tout de l'accident jusqu'au 28 avril ; c'est la centrale de Formark, en Suède, qui donne l'alerte. La Suède et les autres pays occidentaux assaillent alors les autorités soviétiques de pressantes demandes d'information.

Le 28 avril, à 20 heures, l'agence Tass déclare laconiquement qu'une avarie s'est produite dans une centrale russe. Puis, le 29 avril, la mort de deux techniciens et l'évacuation de quatre localités sont annoncées.

La rareté et l'imprécision des informations laissent le champ libre aux rumeurs les plus alarmantes. La télévision américaine parle de 2 000 morts. Le monde entier s'émeut. Les autorités chargées de la protection des populations s'efforcent d'acquérir une vue objective de la situation, mais la coopération internationale est rendue difficile par la disparité des méthodes.

Un nuage d'inquiétude

Le 29 avril, l'est et le sud-est de la France sont atteints par le nuage de particules radioactives et, le 1er mai, c'est la région parisienne qui est touchée.

Un peu partout, les autorités gouvernementales prennent des mesures pour écarter du marché les denrées alimentaires contaminées par les retombées radioactives directement (légumes) ou indirectement (lait, viande) ; le 8 mai, la Communauté économique européenne met l'embargo sur les importations de viande en provenance de l'Europe de l'Est. Cependant, il apparaît que les normes de protection appliquées dans les différents pays manquent de cohérence. Témoin des polémiques entre experts, le public qui note les réticences et les hésitations des autorités est inquiet. Beaucoup de gens mettent en doute l'exactitude des déclarations officielles sur la gravité des risques et l'efficacité des mesures de protection. L'inquiétude des populations est exploitée par les groupes antinucléaires. Ils organisent des manifestations et leur influence grandit.

Dans ce climat d'incertitude et de contestation, un certain nombre de gouvernements sont amenés à prendre des décisions défavorables à l'énergie nucléaire. Dès le 7 mai, les Pays-Bas annoncent qu'ils abandonnent leur projet de construction de quatre centrales et la Yougoslavie déclare renoncer à sa seconde installation nucléaire. Le 22 mai, c'est au tour de l'Égypte de faire connaître qu'elle va réexaminer son programme nucléaire. Le 1er août, le président de la Confédération helvétique déclare que la Suisse doit envisager l'abandon du nucléaire et, le 12 août, le parti social-démocrate allemand diffuse un plan de dix ans pour éliminer tout recours à l'énergie nucléaire. Entre-temps, le 3 juillet, les autorités soviétiques avaient enfin reconnu que l'accident avait fait 27 morts et 187 blessés et qu'il avait rendu nécessaire l'évacuation de 100 000 personnes dans un rayon de 30 km.