Parmi les événements culturels qui ont marqué l'année 1985, il convient de rappeler que c'est l'écrivain français Claude Simon qui a reçu le prix Nobel de littérature. Après Bergson, Anatole France, André Gide, François Mauriac, Albert Camus, entre autres, il est le douzième Français à être honoré de cette distinction, depuis 1901, date de la mise en pratique des données testamentaires d'Alfred Nobel. Écrivain discret et mal connu du grand public, Claude Simon, né à Tananarive le 10 octobre 1913, se rattache à l'école du « nouveau roman » Pour Histoire, il avait obtenu, en 1967, le prix Médicis. Cette consécration internationale, qui couronna en 1985 un écrivain auteur de vingt-quatre romans, dont la plupart édités sous le label des Éditions de Minuit, couronna par-là même la France.

En marge de cette vie culturelle hautement médiatisée, il importe de signaler le mérite des petites revues de poésie, des jeunes troupes, des éditeurs de l'ombre qui œuvrent à grands coups de bonne volonté. Ils appartiennent en propre à la vie culturelle de notre pays. Leurs initiatives se multiplient. Par leur présence, ils assurent la permanence d'un ferment, pour ne pas dire d'une relève.

L'année 1985 a éclairé à plein phare l'un des phénomènes socioculturels les plus incontestés et les plus marquants de notre époque. Il s'agit de l'émission littéraire « Apostrophes » qui, à l'évidence, doit son succès à la personnalité de son animateur, Bernard Pivot. À l'occasion de sa 500e, ce qui représente dix ans d'existence, « Apostrophes » reçut le prix du meilleur magazine littéraire, tandis que le très intègre critique qui en est la poutre maîtresse fut consacré meilleur animateur et producteur de télévision. Hors clans, hors chapelles, Bernard Pivot, dont l'honnêteté intellectuelle est à souligner, ne cède ni au copinage, ni aux influences. Il conduit ses émissions en fonction de ses choix et non point sous la dictature des éditeurs, de la critique ou d'un contexte politique donné. Ses émissions thématiques ont néanmoins l'immense inconvénient de laisser dans l'ombre des auteurs de qualité dont les œuvres ne s'inscrivent pas forcément dans le cadre d'un plateau de spécialistes. De ce point de vue, il est regrettable que Bernard Pivot soit le seul porte-parole, ou considéré comme tel, de la vie littéraire en France. On peut donc parler d'un « phénomène Apostrophes ». Avec malice, bonhomie et sobriété dans le verbe, Bernard Pivot a le mérite de susciter chez ses invités des instants de vérité où la dimension de l'homme vrai l'emporte toujours sur celle de l'intellectuel, de l'imbu, du maniéré. Parfois se retrouvent sur le plateau des esprits habités par des sensibilités pour le moins contradictoires. Ce n'est pas sans ostensible provocation, mais toujours en donnant l'impression du candide ou de l'innocent amusé, que le maître de jeu organise de telles rencontres. Sur le plan économique, « Apostrophes », considérée comme la meilleure émission littéraire au monde, bouleverse toutes les statistiques de vente. En effet, quand un auteur est reçu par Bernard Pivot, son éditeur s'empresse de réimprimer, tant l'impact de cette émission a des effets immédiats chez les téléspectateurs.

Michel Dansel

Littérature française

Cette année, la crise économique a aussi touché le livre (on a enregistré une baisse des ventes de 5 %). Cependant, le succès public du Salon du livre, en mars, a prouvé l'intérêt des Français pour la lecture, intérêt suscité aussi par les efforts du ministère de la Culture pour l'encourager : le Mois du livre (« Un livre et tu vis plus fort ») et surtout la création d'événements tels que l'Année Hugo motivent le public et stimulent la création : ainsi, parmi les nombreuses études sur Hugo parues en 1985, retenons celle, chaleureuse, d'Alain Decaux (chez Perrin), celle, farfelue, de Jean-François Kahn (Seuil) et celle, érudite, d'Hubert Juin (Flammarion), sans oublier la parution des œuvres complètes en 15 volumes dans la collection Bouquins de Laffont. Pour sa part, la maison Larousse a marqué l'événement en publiant deux ouvrages : un livre de référence important : Victor Hugo, le dictionnaire du centenaire, et une bande dessiné : intitulée également Victor Hugo.