Les chiffres officiels contredisent pourtant sans ambiguïté cet état d'esprit. Bien que, pour le garde des Sceaux, la détention provisoire doive constituer l'exception, la population pénale n'a cessé de croître depuis l'amnistie de 1981 (38 721 détenus au 1er octobre 1983 contre environ 30 000 en août 1981). Le nombre des permissions accordées depuis 1981 a diminué (de 12 665 en 1980, elles sont tombées à 11 236 en 1982). Quant aux crimes de sang commis au cours d'une permission de sortie, ils restent rarissimes (4 en 1980, un en 1981 et un en 1982). Pour leur part, les tribunaux sont loin de pécher par laxisme, au contraire : le nombre de réclusions à perpétuité était de 349 en 1979, 372 en 1981, 380 en 1982... Mais la vérité des statistiques ne suffit pas à remettre les pendules à l'heure. En dénonçant les effets de la criminalité plutôt que les causes, les adversaires du garde des Sceaux contribuent parfois à l'instauration d'une peur panique qui débouche à terme sur des réflexes conditionnés d'autodéfense de plus en plus absous par les jurys populaires.

Robert Badinter a encore une importante tâche sur les bras : la réforme du Code pénal, toujours en chantier. La course d'obstacles pour la traduire dans les faits s'annonce périlleuse.

Pierre Mangetout

Armée

Priorité au nucléaire et à la force d'action rapide

Priorité à l'armement nucléaire et réorganisation de l'armée de terre, avec une légère diminution des effectifs militaires : telles sont les grandes lignes de la loi de programmation militaire 1984-1988 que le Parlement français adopte, lors de la session du printemps 1983, sur la proposition de Pierre Mauroy, Premier ministre, et de Charles Hernu, ministre de la Défense. Durant ces cinq années, une somme totale de 830 milliards de F (courants) sera accordée aux armées.

La préparation de ce texte de loi, qui est, en quelque sorte, une charte gouvernementale proposée aux armées françaises jusqu'à la fin de l'actuel septennat de François Mitterrand, provoque la démission, le 9 mars 1983, du général Jean Delaunay de ses fonctions de chef d'état-major de l'armée de terre, qu'il occupait depuis 1980. Il est aussitôt remplacé par le général René Imbot, 60 ans, précédemment directeur du personnel militaire à l'état-major de l'armée de terre, qui devrait atteindre l'âge de la retraite en mars 1984.

Autre démission, le 14 septembre, celle du général d'armée Wilfrid Boone, commandant la Ve région militaire (Lyon). Il est remplacé le lendemain par le général de corps d'armée Jean Cuq.

C'est qu'en effet, il est prévu, pour l'armée de terre, durant les cinq prochaines années, d'importants changements de doctrine, d'organisation et des principaux systèmes d'armement.

Au prix d'une déflation de ses effectifs de l'ordre de 22 000 personnes (cadres de métier et appelés du contingent), sur les 312 000 qu'elle compte présentement, l'armée de terre devra constituer une nouvelle force, dite aéromobile et blindée, pour la défense rapprochée des frontières, le combat en Europe (aux côtés des forces alliées) et pour des actions d'assistance hors d'Europe. Cette nouvelle force, réunissant environ 47 000 hommes, est appelée Force d'action rapide (FAR).

Ch. Hernu, devant le Parlement, a expliqué que la FAR, organisée principalement autour de blindés légers AMX-10 RC et d'hélicoptères antichars du modèle Gazelle équipés du missile Hot, aura son PC à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines). Elle sera commandée par le général de corps d'armée Gilbert Forray. Avant même sa constitution officielle, la FAR a détaché certains de ses éléments au Liban et au Tchad.

Pour le reste, l'armée de terre comprendra une Ire armée différemment constituée de ce qu'elle est aujourd'hui. Elle englobera trois corps d'armée (au lieu de deux) — avec la création d'un nouveau PC de corps d'armée à Lille — qui rassembleront six divisions blindées, deux divisions d'infanterie et deux autres divisions recrutées à partir des écoles militaires. Les missions de cette Ire armée, commandée par le général Charles de Llamby, demeurent la défense du Centre-Europe, en accord avec les alliés.

Missiles

Succédant au missile nucléaire tactique Pluton, qui équipe actuellement cinq régiments d'artillerie du corps de bataille, l'armée de terre recevra un nouvel engin, le Hadès, en 1992. Sa réalisation est confiée à la Société nationale industrielle aérospatiale (SNIAS), en coopération avec le Commissariat à l'énergie atomique.