Journal de l'année Édition 1982 1982Éd. 1982

Dans l'aile UDF, après quelques mois de flottement fort perceptibles, les différentes formations confédérées ont tenté de renouveler leurs cadres. Ainsi, Jean-Pierre Gaudin, député républicain de Marseille, est-il devenu le nouveau président du groupe UDF à l'Assemblée. Ainsi, Pierre Méhaignerie, ancien ministre de l'Agriculture de Valéry Giscard d'Estaing, est-il devenu président du CDS. Raymond Barre a voulu se montrer réservé pendant une année pleine, publiant seulement de temps à autre une préface, une interview ou un commentaire acerbe sur la situation économique.

Valéry Giscard d'Estaing a opéré une rentrée graduelle, se faisant élire conseiller général de Chamalières en mars, coopter au bureau politique de l'UDF peu après, acclamer au congrès du parti républicain en juin. L'ancien président de la République, tout comme Raymond Barre, n'a nullement renoncé à prendre un jour sa revanche. Il en est encore à manger son pain noir et à laisser l'avant-scène à Jacques Chirac. Il espère, bien entendu, ne pas en rester là.

Premières ombres

Au bout d'une année, comme toujours sous ce régime, beaucoup dépend évidemment du savoir-faire du président en exercice. La situation économique est plus difficile après un an de gestion socialiste qu'elle ne l'était lorsqu'il est arrivé au pouvoir. La crise mondiale ne s'essouffle pas. Le seuil délétère ces deux millions de chômeurs a été dépassé. Le CNPF, la CGC, la FNSEA mènent une action protestataire. La CGT le presse et le houspille respectueusement. La CFDT et FO se comportent en alliés ombrageux et critiques. Son meilleur terrain reste de loin la politique.

Le président a su, jusqu'à présent, se protéger. Il a fort peu parlé à la télévision : une seule longue intervention en un an. Il a donné deux conférences de presse, en septembre et en juin, jouant sagement à la fois de son rôle international et de sa vivacité de répartie, mais restant fort réservé en matière économique. Il a, à plusieurs reprises, par exemple en province en Corrèze et à Orléans, repris très classiquement le thème populaire de l'unité. L'année s'achève sans que son crédit personnel soit gravement atteint, malgré les rumeurs résurgentes de maladie, au demeurant démenties par ses deux bulletins de santé. Mais il ne pourra camper beaucoup plus longtemps sur cette réserve. La générosité de son socialisme personnel a été ressentie par la France de gauche, la témérité de son action économique par la France de droite. Certes, les institutions gaulliennes — clin d'œil ironique de l'Histoire — lui garantissent la puissance et la durée. Mais les Français ont en somme traversé cette première année avec une neutralité bienveillante. Sans enthousiasme, sans acrimonie, doutant du résultat plus que de leur nouveau souverain. C'était une position d'attente. Elle ne durera pas. Les petits salariés restent, certes, attachés à François Mitterrand. L'opposition, même si elle se figure le contraire, n'incarne pas encore le moins du monde une alternative. Mais, maintenant, aucun groupe social, aucune formation politique ne pratiquera plus la paix des braves. Ce sera donc au président de trouver les ressources politiques et financières de ses options économiques. Il en a le caractère et le talent. Mais il devra, cette fois, monter lui-même au créneau et puiser dans son crédit personnel, comme Valéry Giscard d'Estaing à partir de 1976. Ce septennat va vite.