Budget

Promesses tenues et déficit

La préoccupation pour l'emploi est au centre du budget de 1982 : premier budget entièrement conçu par la majorité socialiste issue des scrutins du printemps 1981, il traduit de façon particulièrement caractérisée et fidèle les engagements électoraux de celle-ci. Les promesses sont tenues.

C'est la masse même des dépenses budgétaires globales qui illustre, en premier lieu, le changement de politique économique et financière entraîné par l'élection de François Mitterrand à la présidence de la République et par la victoire de la majorité d'union de la gauche aux législatives qui ont suivi.

Ainsi, les dépenses de l'État font-elles un bond spectaculaire et massif, inégalé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale : elles progressent de 27,6 % par rapport à la loi de finances initiale de 1981, pour atteindre le montant record de 796,6 milliards de F.

Les recettes augmentent très fortement aussi, sans pour autant parvenir à compenser les dépenses : avec 712,4 milliards de F, et une progression de 19 % par rapport à l'année précédente, elles laissent tout de même le déficit se creuser sensiblement pour atteindre officiellement 95 milliards de F, contre 30 milliards seulement en 1981. Représentant 2,6 % du PIB total, ce déficit voisine à présent avec celui de l'Allemagne fédérale, mais reste encore légèrement inférieur à celui de nombreux pays occidentaux, dont les États-Unis, l'Italie, la Grande-Bretagne et la Belgique.

Ce déficit se veut cohérent avec l'intention, par ailleurs déclarée par le gouvernement, de modérer la création monétaire : une large partie sera, en effet, financée sur « ressources longues » et, notamment, par emprunt sur le marché financier.

Cette conception n'est pas très différente, au fond et sur ce point précis, de celle dont se réclamait Raymond Barre, la différence portant sur l'ampleur même du déficit. Différence de degré ou différence de nature ? La question doit néanmoins être posée, ce qui n'est pour la majorité qu'expression d'un « volontarisme dynamique et résolu » n'étant pour l'opposition que « laxisme débridé et abandon à la facilité ».

Cette exceptionnelle progression de la masse des crédits et du déficit a pour objectif essentiel la création d'emplois publics, à la charge totale ou partielle du budget de l'État : celui-ci finance 61 000 emplois nouveaux, s'ajoutant aux 64 000 financés par les collectifs budgétaires de 1981. Pour la même raison, les crédits d'équipement progressent d'environ 30 %.

« Stimulation maîtrisée de l'activité », telle est, selon Laurent Fabius, ministre du Budget, la stratégie qui inspire le gouvernement en matière budgétaire et fiscale : si la relance économique est une condition préalable de la création d'emplois, elle ne saurait se dissocier d'un effort de solidarité.

Si cette conception ne reflète, pour l'opposition, qu'un « keynésianisme mal assimilé, mâtiné de collectivisme », selon le jugement de René Monory, ministre de l'Économie du gouvernement Barre, elle repose, pour le gouvernement d'union de la gauche, sur le refus d'une gestion passive des finances publiques et traduit une volonté raisonnée de stimuler l'activité économique sans pour autant méconnaître les impératifs de l'équilibre financier et du commerce extérieur.

Emploi

Plus précisément, la relance de la demande des ménages, c'est-à-dire de la consommation, constitue à la fois un but et un moyen : passage obligé de la réactivation de l'économie dans son ensemble, elle doit avoir pour conséquence de dégeler l'investissement productif en ouvrant aux chefs d'entreprise des perspectives plus favorables au regard des débouchés, en même temps qu'elle satisfait à l'exigence d'une plus grande justice sociale.

Toutefois, la nécessité de développer les capacités de production de l'économie française n'est pas négligée et fait l'objet de mesures spécifiques : le projet de loi de finances prévoit à cette fin le doublement des crédits de paiement consacrés aux aides à l'industrie et à l'artisanat, ainsi qu'une intensification des actions budgétaires et fiscales en faveur des petites et moyennes entreprises ; mais c'est dans le domaine de la recherche que l'effort, à cet effet, est le plus spectaculaire, s'illustrant au travers d'une progression de 29,4 % du budget civil de la recherche.