Et c'est un symbole d'une justice et d'une prison dont ne veut plus la France de l'après-10-Mai, qui est jugé en octobre 1981. D'où la modération du procureur général, la clémence des jurés qui confondent les 5 ans de réclusion pour ces 9 hold-up avec des peines antérieures, d'où surtout, une semaine après le verdict, le 6 novembre, le bref communiqué de l'Élysée annonçant que, conformément au vœu des jurés de Rouen, François Mitterrand a gracié Roger Knobelspiess. Sous les sunlights de la télévision, Roger Knobelspiess revient à la vie. Comme le suggère le titre de son deuxième livre autobiographique, son Acharnement a fini par payer.

La mort d'un clochard

Véritable cour des miracles, modèle civilisation de consommation, le Forum des Halles est le rendez-vous — surtout le soir venu, quand les magasins sont fermés — de marginaux plus ou moins pittoresques : clochards venus téter leur litron au chaud, prostituées en semi-retraite, petits trafiquants de drogue, spécialistes du vol à l'arraché, punks, iroquois, rockies et loubards en tout genre que l'on dit prompts à jouer du couteau ou du rasoir. En raison de la présence de cette faune, les incidents ne sont pas rares dans le secteur : jusqu'à quarante plaintes pour agression sont déposées par jour au commissariat du Forum ; s'y ajoutent actes de violence, règlements de compte entre bandes rivales.

Ensanglanté

Aussi, lorsqu'on découvre, le 24 décembre 1981, dans le couloir d'un des escaliers du Forum, le corps ensanglanté d'un vagabond infirme, on croit d'abord à une querelle d'ivrognes. Mais on apprend bientôt que Monsieur Pierrot, comme l'appellent ses amis de la cloche, a été la victime d'agents de sécurité, qui voulaient le faire déguerpir du banc qu'il occupait. L'infirme n'obéissant pas assez vile à leur gré, les vigiles l'avaient saisi, poussé vers une issue de secours et l'un d'eux l'avait frappé avec sa béquille jusqu'à ce que mort s'ensuive. Un autre vagabond est, le même jour, blessé dans des conditions semblables.

Le principal coupable, qui s'est déjà signalé par des actes de violence, est, ainsi que ses compagnons, vite retrouvé et écroué. On s'interroge naturellement sur les raisons de leur présence au Forum, qui n'est pas un centre commercial, mais une zone piétonnière accessible au public en permanence, comme l'ensemble des rues de Paris ; le maintien de l'ordre incombe donc en principe à la police. On apprend qu'étant donné l'insuffisance des effectifs du commissariat des Halles les commerçants du Forum ont demandé des renforts à une société de gardiennage, durant les fêtes de fin d'année, période de grande affluence.

Les sociétés de gardiennage-surveillance ont proliféré ces dernières années en raison de l'augmentation de la délinquance. Certaines — comme celle qui opérait au Forum — profitent du flou de la législation et ne demandent pas toujours des certificats de bonnes vie et mœurs aux gros bras qu'elles recrutent. N'a-t-on pas appris, d'ailleurs, que deux d'entre elles sont dirigées par des repris de justice ?... Comment s'étonner, dès lors, que des vigiles aient parfois tendance à transformer le gardiennage passif en actif, rudoyant les immigrés dont la tête ne leur revient pas, rouant de coups les jeunes chapardeurs des grandes surfaces ou effectuant, à l'occasion, des vidages d'usines occupées par le personnel ?

Aussi réclame-t-on avec insistance, à la Fédération française des organismes de prévention et de surveillance (regroupant 120 sociétés, avec un total de 40 000 employés), une réglementation plus stricte des conditions d'exercice de la profession, qui permettrait d'en éliminer les mauvais anges... gardiens.

Le vol d'armes du camp Clauzel

Comment se procurer des mitrailleuses lourdes et des pistolets mitrailleurs sans vraiment se fatiguer ? Le vol d'armes du camp militaire Clauzel, situé près de Foix, prouve que c'est relativement simple. Le dimanche 22 novembre 1981, au petit matin, un groupe d'hommes (au moins sept, selon les militaires de garde ce jour-là, quatre en fait, apprendra-t-on plus tard) pénètre, sans grandes difficultés semble-t-il, à l'intérieur du camp, ligote et bâillonne les soldats présents. À l'armurerie, ils s'emparent de cent treize pistolets mitrailleurs et de quatre mitrailleuses de calibre 12,7. Un camion de l'armée se trouvant là fort à propos, ils y entassent leur butin et repartent tranquillement à son bord.

Surprenant

Dès que l'on a connaissance du vol — de loin le plus important du genre commis ces dernières années — l'inquiétude se répand, inquiétude dont les médias se font largement l'écho. Pour le compte de qui a agi ce commando, qualifié par le ministre de la Défense, Charles Hernu, de « parfaitement entraîné » ? On parle d'un coup de l'extrême droite, ou des autonomistes basques, ou bien encore de l'extrême gauche. Les revendications les plus fantaisistes accroissent encore la confusion.