Une réorganisation des ministères est rendue nécessaire par le rattachement au ministère de l'Éducation nationale de l'enseignement supérieur (ex-ministère des Universités) et de l'éducation physique (autrefois liée aux Sports). Elle est achevée à la fin de janvier 1982. Les anciennes directions de degrés (écoles, collèges, lycées) sont maintenues. Une direction générale regroupe l'ensemble des services de l'enseignement supérieur (directions de l'enseignement, de la recherche, de l'information et des bibliothèques, service financier). Parallèlement sont créées de nouvelles directions fonctionnelles : personnel enseignant, personnel administratif, affaires générales, éducation physique, affaires internationales, dotées progressivement de nouveaux responsables.

Désireux d'avancer avec prudence, Alain Savary décide la création d'une série de commissions destinées à étudier les questions stratégiques et à présenter des propositions : pour les collèges (présidée par Louis Legrand, professeur à l'université Louis-Pasteur de Strasbourg, ancien responsable de la recherche pédagogique), la formation des enseignants (André de Peretti, spécialiste de psychosociologie de l'éducation), l'avenir des lycées (Antoine Prost, historien de l'éducation, professeur à l'université Paris-I).

Certaines conclusions des commissions provoquent des controverses, en particulier sur la formation des enseignants du second degré, qui oppose traditionnellement le SNI et le SNES : le premier est désireux de constituer à terme un corps unique de maîtres pour l'enseignement obligatoire (jusqu'à la classe de troisième), le second insiste sur l'unité de l'enseignement secondaire (de la sixième à la terminale). Le rapport Peretti, qui propose de donner la priorité à la formation continue des enseignants, de renforcer la partie professionnelle de la formation initiale et de resserrer les liens entre les établissements de formation (universités et écoles normales), est généralement bien accueilli. Mais le SNES le juge « conservateur et rétrograde », estimant qu'il entraînerait un raccourcissement de la formation des professeurs de l'enseignement secondaire et les rapprocherait des instituteurs.

À l'inverse, la contribution du mathématicien Laurent Schwartz, professeur à l'École polytechnique, à la commission du bilan du régime précédent (créée au printemps 1981 par Pierre Mauroy) suscite les foudres du Syndicat des instituteurs. Laurent Schwartz reproche aux ministres de l'Éducation antérieurs d'avoir négligé de préparer les enseignants à la réforme du premier cycle secondaire et surtout d'avoir recruté en masse des professeurs (les PEGC, professeurs d'enseignement général de collège) parmi les enseignants de l'école primaire, insuffisamment formés. Il accuse également le SNI d'avoir encouragé ce recrutement pour étendre son champ de syndicalisation. Le syndicat répond en reprochant à Laurent Schwartz d'être « élitiste » et d'ignorer les réalités scolaires.

Alain Savary ne parvient donc pas à empêcher le jeu des oppositions et des rivalités syndicales. Cependant, en associant les syndicats et les organisations de parents aux différents groupes de réflexion qu'il a créés et en étendant la concertation, il réussit pour l'instant à détendre l'atmosphère.

Un lycée pour marginaux

Les projets d'expériences nouvelles ne sont pas nombreux au début de l'année. Cependant, l'un des plus originaux obtient l'aval du ministère. Gabriel Cohn-Bendit, professeur d'allemand à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), frère de l'animateur des étudiants de Nanterre en mai 1968, présente avec des collègues un projet de lycée expérimental destiné à accueillir des jeunes qui ont quitté le lycée ou en ont été exclus faute de s'y adapter. Il est fondé sur un système d'horaires souples, les élèves, réunis en groupes de travail différents, devant travailler sur des projets plutôt que sur les programmes traditionnels. Néanmoins, ils doivent pouvoir décrocher leur baccalauréat à la fin des études. Gabriel Cohn-Bendit obtient d'Alain Savary le détachement de dix-huit enseignants de l'Éducation nationale. L'établissement ouvre ses portes le 1er février, avec cinquante élèves de 17 à 20 ans. Il est installé dans le bâtiment d'un ancien centre de vacances. L'initiative ne suscite pas que des approbations : le responsable de la section locale de la Fédération de l'Éducation nationale, en particulier, estime qu'elle « conforte l'enseignement privé dans sa revendication du droit à la différence ».

Primaire-Secondaire

La politique des petits pas

Au cours de sa première année d'exercice, Alain Savary n'a pas le temps de lancer de grandes réformes. Il choisit plutôt une politique par petites touches, sur l'ensemble de l'enseignement primaire et secondaire, pour la rentrée 1982.