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Le pape affaibli ne renonce pas aux voyages ni à l'action diplomatique

« Rome est toujours dans Rome, mais le pape n'y est pas encore arrivé. » Ce propos d'un prélat du Vatican reflète assez bien le climat qui règne, au début de 1982, dans les milieux proches de la curie.

Depuis l'élection de Jean-Paul II, on y reprochait mezza voce au nouveau pape d'accorder trop peu de temps et d'intérêt à la gestion des affaires vaticanes, d'être trop absorbé par la Pologne et ses voyages. À tel point qu'il avait dû s'en défendre publiquement au début de 1981, et expliquer le but apostolique de ses randonnées à travers le monde. L'attentat du 13 mai 1981 (Journal de l'année 1980-81) n'a évidemment rien arrangé. D'autant que Jean-Paul II ne s'est pas remis rapidement. Il est retourné le 5 août à la polyclinique Gemelli pour y subir une nouvelle intervention chirurgicale et n'a regagné Castel Gandolfo, pour entamer sa convalescence, que le 16. Plusieurs mois après, les séquelles de ces interventions sont encore évidentes.

Les visiteurs du pape le trouvent vieilli, et l'on chuchote dans son entourage qu'il connaît parfois des moments de fatigue intense. Si le pape s'engage à la mi-février 1982 dans un épuisant voyage en Afrique, c'est en partie pour démentir ces rumeurs et pour démontrer à tous que les trois balles tirées par le Turc Mehmet Ali Agca ne l'ont pas mis physiquement hors-jeu (une démonstration qui ne manque pas d'intérêt alors que se déroulent de graves événements en Pologne).

La démonstration est réussie. Circulant à travers quatre pays (Nigeria, Bénin, Gabon, Guinée équatoriale) sous une chaleur accablante, Jean-Paul II stupéfie tous les observateurs par sa résistance. Il reprendra son bâton de pèlerin pour se rendre en Grande-Bretagne (28 mai-2 juin), première visite d'un pape après la rupture avec les anglicans il y a 4 siècles, puis en Argentine (11 juin), tandis que les combats des Malouines font rage. Ici comme là, il prêchera le retour à la paix, mais en vain. Le 15 juin, à Genève, devant la Conférence internationale du travail, il plaidera en faveur d'une « solidarité sans frontières » entre les hommes.

Cependant, l'activité du pape n'est pas mince. On en retiendra notamment la publication, le 14 septembre 1981, de l'encyclique Laborem exercens, à l'occasion du quatre-vingt-dixième anniversaire de Rerum novarum. C'est une étude d'un ton très philosophique, comme à l'ordinaire chez Jean-Paul II, qui réaffirme « la priorité du travail humain par rapport à ce que, avec le temps, on a pris l'habitude d'appeler capital ». Un membre de phrase déclarant qu'on ne peut exclure « la socialisation, sous les conditions qui conviennent, de certains moyens de production » trouve un écho particulier en France, où l'on se trouve alors en plein débat sur les nationalisations.

Tradition

Le pape publie le 22 novembre 1981 un second texte important : l'exhortation apostolique Familiaris consortio. Ce document tire en quelque sorte les conclusions du synode des évêques, tenu à Rome en 1980, qui avait discuté des problèmes de la famille. Il réaffirme et approfondit la doctrine traditionnelle de l'Église en la matière.

L'opinion est surtout sensible à ce qui est dit d'un certain nombre de situations précises :
• le mariage à l'essai, qui est déclaré « inacceptable ». Le document ajoute : « Il sera très utile d'enquêter sur les causes de ce phénomène, même dans son aspect psychologique et sociologique, pour arriver à trouver une thérapie adéquate » ;
• l'union libre, qui n'est évidemment pas approuvée. On note cependant que le document se garde de condamner les couples qui vivent ainsi ;
• le remariage des divorcés. Là encore, aucune condamnation n'est formulée, mais la discipline traditionnelle est réaffirmée, alors que bien des fidèles, des prêtres, et même certains évêques souhaitaient un assouplissement, afin de permettre aux divorcés remariés l'accès aux sacrements.

Jean-Paul II poursuit par ailleurs son action diplomatique. C'est ainsi qu'il intervient fin novembre 1981, près des États-Unis et de l'Union soviétique, pour souligner combien il attache d'intérêt à l'aboutissement des négociations qui vont s'ouvrir à Genève sur la limitation des armements nucléaires en Europe.