Faut-il pour autant crier à la catastrophe ? Deux raisons permettent de se garder d'un pessimisme excessif. D'abord, dès le lendemain de son élection à la présidence de la République, François Mitterrand a envoyé à Riyad son frère Jacques, patron de l'Aérospatiale, pour assurer les Saoudiens que la France souhaitait entretenir de bonnes relations avec les Arabes. De fait, aucune rupture spectaculaire de contrat n'a été enregistrée de ce côté. Mieux : les relations avec l'Iraq et l'Égypte restent cordiales. On pourrait donc assister à une normalisation progressive de la situation. Autre facteur d'espoir : la France prospecte activement de nouveaux clients ; elle a ainsi conclu en mars 1982 un important contrat avec l'Inde. Quarante Mirage 2000 devraient être livrés à New Delhi à partir de 1984, ce qui correspond à un marché de 5 milliards de F.

Au total, 1982 pourrait donc être une meilleure année que 1981 si la France, en bonne commerçante, sait vendre comme il convient les meilleurs programmes industriels de son catalogue.

À l'heure actuelle, quatre programmes représentent l'essentiel des activités de l'industrie française de l'armement, laquelle fait travailler environ 300 000 salariés.

– Le Mirage 2000. Développé par Dassault, cet avion de combat est le successeur des Mirage III et F1. Il vole déjà, mais les exemplaires de série ne seront pas livrés avant 1983. Encore ne s'agira-t-il pas de la version définitive, qui, compte tenu des contretemps intervenus dans la mise au point d'un moteur entièrement nouveau et d'un radar ultraperfectionné, ne sera disponible que plusieurs années plus tard. Les commandes de l'armée française ne devraient guère dépasser la centaine d'exemplaires d'ici 1990. C'est dire que l'exportation est vitale pour couvrir les coûts de fabrication en série (on parle de 60 milliards de F !).

– Le char du futur. Cet engin blindé lourd qui remplacera en 1990 l'actuel AMX 30 devait primitivement être fabriqué en coopération avec l'Allemagne de l'Ouest. Mais les Allemands semblent de moins en moins disposés à travailler avec les arsenaux français, si bien que la France pourrait être amenée à payer la totalité de la facture (5 milliards de F), ce qui renchérira le coût de revient de chaque unité. D'où l'impérieuse nécessité, là encore, de trouver des débouchés à l'exportation, ce qui sera difficile car la concurrence est très vive sur ce créneau.

– Les hélicoptères. Dans ce domaine, le groupe Aérospatiale est le no 3 mondial après les Américains Bell et Sikorsky ; il réalise le quart de son chiffre d'affaires en vendant des hélicoptères aux quatre coins du monde. Ce marché se développe à vive allure : 30 000 appareils devraient être commandés dans les dix ans qui viennent, ce qui représente la somme astronomique de 160 milliards de F, dont environ la moitié pour les versions militaires. L'Aérospatiale a enregistré pour sa part près de 8 milliards de F de commandes l'an passé, dont environ un quart d'origine militaire. Elle travaille actuellement, en coopération avec l'Allemagne, sur un hélicoptère antichar, le HAC, dont l'armée française est disposée à lui acheter 150 exemplaires, soit un contrat de 5 milliards de F.

– Les missiles. Il s'agit essentiellement du Milan, du Hot, du Roland et de l'Exocet, fabriqués par l'Aérospatiale, ainsi que du Magic et du M 530, fabriqués par Matra. La majorité de ces engins sont vendus à l'exportation, ce qui représente annuellement des rentrées de plusieurs milliards de F. Pour le moment, et dans un proche avenir, il n'y a donc pas de problèmes de débouchés.

Troisième exportateur mondial de matériel de guerre, la France a traversé une mauvaise passe fin 1981-début 1982, mais, sauf accroc politique, sa panoplie actuelle et future lui fournit des chances raisonnables d'affronter l'avenir. Sous réserves qu'un renversement des alliances ne soit pas trop brutal.

Textiles

Un coin de ciel bleu

L'industrie française du textile et de l'habillement ne mourra pas à petit feu : ainsi en a décidé le gouvernement socialiste.