Arts

Pas de surprise notoire, mais de superbes retours au passé

Le retour à Madrid de Guernica en octobre 1981, l'année même du centenaire de la naissance de Picasso, introduit dans la saison artistique un hasard émouvant. Peint à Pans en 1937 dans l'émotion provoquée par le massacre de la population de Guernica par l'aviation allemande, puis confié en 1939 par Picasso au musée d'Art moderne de New York, le tableau le plus célèbre du xxe siècle réapparaît en Espagne en messager de paix : hommage à Picasso, à la peinture, à la démocratie.

Malgré l'événement Guernica et la très belle exposition de l'été 1981 au château Grimaldi, à Antibes, Picasso n'a pas été l'homme de l'année. La France a préféré se réserver pour l'ouverture, l'an prochain, du musée Picasso qui s'installe dans un hôtel du xviie siècle au cœur de la capitale.

C'est Fernand Léger qui a tenu la vedette du printemps 1981 au début de l'été 1982 : d'Argentan (Eure), sa ville natale, à Biot (Alpes-Maritimes), sa ville d'élection, en passant par Paris. Comme Picasso, Léger est né en 1881. Les commémorations du centième anniversaire de sa naissance l'ont révélé splendide et archaïque dans la lumière méditerranéenne, poète de l'objet et du silence au Centre Georges-Pompidou, prophète enfin de la fascination du xxe siècle pour le progrès technique au musée d'Art moderne de la Ville de Paris.

Léger et l'esprit moderne ; Léger, trait d'union entre le début et la fin du siècle, entre une remise en cause des techniques et des fonctions traditionnelles de l'art et une exubérance nouvelle nourrie des audaces et des rêves des avant-gardes qui se sont succédé depuis les années 20, préoccupées d'art mais aussi de progrès industriel et d'évolution sociale.

Art-monstre

Les trente-trois Baroque 81 rassemblés en octobre par l'ARC (Art, Recherche, Confrontation) du musée d'Art moderne de la Ville de Paris ont donné non pas la mesure de cette exubérance, mais un aperçu de ses débordements.

Le retour à l'image et a la couleur, après le long règne d'une abstraction plus ou moins austère, s'est annoncé ces dernières années à la fois en Allemagne, en Italie, aux États-Unis, en France. Les nouveaux baroques se sont approprié toutes les formes d'expression et toutes les techniques. À condition que la couleur provoque et que la peinture hurle les violences, les naïvetés, les indignations ou les nostalgies idylliques de ces jeunes romantiques passionnés.

Des artistes en quête d'eux-mêmes ou de nouveaux mythes revendiquent un art-monstre. L'exposition de l'ARC en soulignait la diversité et la véhémence dans le sillage de Stella, Castelli, Clemente, Bonnefoi, Schnabel, tandis que le Centre international d'art contemporain de l'abbaye de Sénanque (Vaucluse) désignait les Opéras et les chaos abstraits de Dominique Gauthier parmi les œuvres majeures de la nouvelle vague baroque en France.

La saison n'était pas terminée que Stella, Castelli, Gauthier et les autres se trouvaient éclipsés. Une nouvelle nouvelle vague, baroque elle aussi, détournait à son profit les trompettes de la renommée, avec tant d'audace et de soudaineté que les polémiques, depuis quelque temps neutralisées, se réveillaient.

Cette peinture, apparentée à l'univers du rock et des punks, est-elle encore de l'art ? Figuration libre en France, bad-painting ailleurs, elle est née elle aussi en Allemagne, en Italie et aux États-Unis. Le maître en bad-painting est très jeune. Il n'a qu'un rêve : aller plus loin dans l'originalité, distancer ses contemporains, surprendre au prix d'outrances, de gaucheries, voire d'indécences et de vulgarités.

Le succès fut immédiat. La désignation des talents aussi. Parmi les plus remarqués : Combas et Di Rosa. Leurs œuvres voyagent déjà dans l'hexagone et au-delà.

Le phénomène, spécifiquement occidental, s'éteindra peut-être comme feu de paille. Il n'en aura pas moins signalé un étonnant brassage de tout l'apport du siècle de Picasso aux nouveaux baroques, marqué de pas mal d'humour, d'un fort désenchantement et de schématisations empruntées au cinéma, à la bande dessinée, au graffiti et a l'art publicitaire.