Préoccupation, tout d'abord, de reconstruire l'espace urbain, les vides autour du bâti, et de réinventer les rues, les passages, les places, les arcades. Désir aussi d'embellir les villes, en recherchant les effets extérieurs, visibles et sensibles, tous ces effets décoratifs si longtemps bannis par les modernes.

Deuxième réhabilitation des post-modernes : celle du passé. Retour à l'Histoire grandiloquente et à l'architecture des palais, des temples ou des théâtres, aussi bien que retour à l'anecdote vernaculaire des villages et des régions.

Les post-modernes revendiquent ainsi le droit à la continuité : ne pas faire table rase de 2 500 ans de culture architecturale, pour mieux retrouver une déclinaison actuelle du classicisme — ou de la tradition —, et bâtir ainsi avec un vocabulaire classique — ou traditionnel — un discours architectural néanmoins neuf. Car, avec eux, la nostalgie est désormais permise, sans négliger parfois la distance apportée par certaines touches humoristiques.

En réponse à ce foisonnement d'intentions, une multiplicité de tendances, une pluralité de partis se développent un peu partout en France comme à l'étranger.

Aux États-Unis, l'ex-moderniste militant Philip Johnson joue la carte du classicisme pour l'immeuble AT et T qu'il construit à New York. La boîte de ce gratte-ciel est en effet bâtie sur une chapelle florentine de la Renaissance à arcades et à piliers, et surmontée d'un portique triangulaire ; entre ces deux monuments s'élèvent des dizaines d'étages de bureaux !

Clin d'œil humoristique, en revanche, à New Orléans, où Charles Moore a composé sa Piazza d'Italia en misant sur le mélange des genres. L'ensemble tient pêle-mêle de la fontaine de Trevi, de Times Square et de Luna Park.

Plusieurs courants émergent également en France. Les historicistes, pour leur part, investissent les grands styles du passé, gréco-romain, Renaissance italienne, voire gothique ou égyptien, touches rétrospectives ou en simples citations. Ainsi, symétrie solennelle, courbes et contre-courbes majestueuses, colonnades et portes monumentales règnent en maîtres dans les réalisations françaises de l'architecte catalan Ricardo Bofill.

Les noms mêmes de ses protêts pour St-Quentin-en-Yvelines, Marne-la-Vallée, Montpellier ou Paris-Montparnasse sont à eux seuls déjà tout un programme : les Arcades du lac, le Théâtre, le Palais d'Abraxas, Antigone ou les Échelles du baroque. Pastiche, plagiat, décadence ne manquent évidemment pas d'arguer ses détracteurs.

Un second courant privilégie l'anecdote, les réminiscences populaires, populistes, voire pop, régionalistes ou écolos. Ainsi les architectes Benoît et Verbiest ont-ils repris pour le quartier de l'Alma-gare, à Roubaix, la disposition traditionnelle des logements en courées. Quant à Alain Sarfati, ses ensembles de maisons individuelles reprennent les attributs des Sam suffit de banlieue, pergolas, perrons ou vérandas dûment revus et corrigés.

Une autre école se réfère uniquement aux formes fondamentales semblant exister de toute éternité. Les architectes combinent, en faisant jouer ombres et lumières, cylindres, sphères, cubes, pyramides ou escaliers, avec parfois quelques accents évoquant la géométrie art déco. La cour d'Angle à St-Denis d'Henri Ciriani, le quartier des Hautes Formes à Pans de Potzamparc ou l'îlot Carnot à Stains d'Édith Girard développent ces nouveaux jeux de constructions élémentaires.

Ces derniers sont-ils modernes ou post-modernes ? Les architectes récusent les étiquettes. Les coursives de Pantin, de Paul Chemetov, où les classer ? Certes, le parti apparaît fonctionnaliste, mais les jeux géométriques des façades révéleraient, en vérité, plutôt un souci que d'aucuns qualifient volontiers de post-moderne.

Qu'importe les querelles de mots, d'appartenance, d'écoles, éveillées par ce bouillonnement de propositions neuves — et concurrentes — que le grand public découvre soudain au coin des rues. La passion, en l'occurrence, est salutaire ; elle témoigne pour le moins d'un regain d'intérêt pour l'architecture. C'est déjà beaucoup.

États-Unis : le retour à la ville ?

Mode éphémère ou mutation du traditionnel american way of life ? En tout cas, un frémissement réveille le cœur des cités américaines. « Des gens qui ont réussi, des Blancs, des couples sans enfants, des célibataires, des divorcés retrouvent le chemin du centre-ville. Et forment des îlots aristocratiques, à l'inverse de la taudification progressive qui régnait jusque-là », explique un architecte new-yorkais.