Le retournement du marché pétrolier, on le voit, ne se passe pas sans difficultés. On peut même se demander si la baisse des prix, en se prolongeant, n'aurait pas davantage d'effets néfastes qu'utiles. Elle risquerait notamment de freiner ou d'interrompre, pour défaut de rentabilité, les efforts entrepris depuis huit ans pour réduire la consommation, d'une part, et d'autre part pour trouver de nouvelles ressources de pétrole et développer des énergies nouvelles ; finalement, comme la demande finira bien par reprendre, on retrouverait, aggravées, la pénurie et l'explosion des prix.

Plutôt que de laisser jouer (dans les deux sens) la loi aveugle de l'offre et de la demande, des économistes prévoyants suggèrent que les nations mettent à profit l'accalmie actuelle pour s'entendre sur des plans à long terme qui stabiliseraient à la fois les fournitures d'énergie pétrolière, dont la civilisation industrielle aura besoin longtemps encore, et les ressources financières sur lesquelles les pays producteurs devraient pouvoir légitimement compter. Hélas ! nous n'en sommes pas là.

Contrats

S'il n'a pas pris d'initiatives spectaculaires dans le domaine pétrolier, le gouvernement socialiste a pris plusieurs décisions importantes concernant d'autres aspects du bilan énergétique de la France. Pour le gaz naturel tout d'abord, il a signé deux énormes contrats de fournitures, l'un en janvier 1982, avec l'URSS, l'autre en février, avec l'Algérie. Chacun a soulevé des critiques : le contrat de gaz sibérien parce qu'il apportait aux Soviétiques de précieuses ressources en devises au moment même où ceux-ci resserraient leur étau sur la Pologne ; et l'algérien parce qu'il retenait un prix de gaz supérieur aux conditions du marché, mais conforme à la politique Nord-Sud de François Mitterrand appliquée aux échanges franco-algériens. Au total, ces ressources nouvelles en gaz devraient nous permettre néanmoins d'assurer au cours de la prochaine décennie la soudure énergétique entre la prépondérance du pétrole et celle de l'atome.

Concernant justement l'énergie nucléaire, le gouvernement a réussi à faire approuver par le Parlement, le 6 octobre 1981, un programme de construction de centrales légèrement en retrait, pour les années 1982 et 1983, par rapport aux plans antérieurs, mais qui ne remet pas fondamentalement en question, comme l'auraient voulu certains éléments du parti socialiste, le programme ambitieux de développement de l'industrie nucléaire en France. Au total, le changement politique intervenu en France en juin 1981 n'a donc pas dévié sensiblement des grandes orientations énergétiques tracées par les gouvernements précédents.

Sidérurgie

Production et effectifs en baisse

La sidérurgie française conserve cette année encore les traits qui la caractérisent depuis longtemps : baisse de la production, fléchissement des effectifs et pertes financières. Cette constance dans la récession s'explique par la permanence d'un environnement défavorable : une crise économique mondiale, un outil industriel insuffisamment compétitif, une politique de restructuration industrielle jamais achevée.

Dégringolade

La seule nouveauté de la période 1981-82 est purement formelle puisque la nationalisation des deux grands groupes sidérurgiques ne fait que concrétiser officiellement la dépendance étroite d'Usinor et de Sacilor à l'égard des deniers de l'État. Les patrons ont changé puisque Claude Dollé a succédé à Jacques Mayoux chez Sacilor, et Raymond Lévy à Claude Etchegaray chez Usinor, mais les problèmes demeurent.

La production française en 1981 est tombée à 21,2 millions de t d'acier, ce qui, après une chute ininterrompue depuis 1975, la ramène au niveau de 1968. Une telle dégringolade s'explique plus par la faiblesse du marché national que par la concurrence internationale, car, grâce aux mécanismes stabilisateurs de la CECA, les importations d'acier étranger restent contenues dans des limites raisonnables. C'est donc la réticence des utilisateurs français d'acier qui est en cause, à commencer par celle du bâtiment et des travaux publics (dont la production a diminué tout au long de l'année), des industries de biens d'équipement (qui ont souffert de la réduction des investissements) et de la construction automobile, dont chacun sait qu'elle a traversé une mauvaise passe en 1980 et 1981.