Journal de l'année Édition 1982 1982Éd. 1982

L'amélioration des revenus des Français sera presque entièrement affectée à la consommation (+ 2,3 % en 1981 contre + 2,2 % en 1980), le taux d'épargne des ménages cessant de son côté de se dégrader (14,8 % en 1981 contre 14,6 % en 1980, 16 % en 1979 et 17,5 % en 1978 !). Le niveau de la consommation qui croît entre 2,5 et 3 % en rythme annuel va aussi se maintenir jusqu'au printemps 1982 (autour de 18 à 19 milliards par mois), alimentant la demande de produits industriels dont la croissance annuelle ressortit à 8 % à la fin février. Les immatriculations de voitures sont à la fin janvier en augmentation de 7 % sur le même mois de 1980. À la fin février, les ventes au détail des trois derniers mois sont en progression annuelle de 2,5 %, alors qu'elles n'augmentent que de 1,5 % en Grande-Bretagne et diminuent de 13,4 % en Allemagne fédérale. Un moment, le gouvernement va croire son pari gagné : le nombre des demandeurs d'emploi retombe au-dessous de 2 millions en mars et régresse encore en avril. Las, on le doit en fait à toute une série de mesures spécifiques telles que les contrats de solidarité plutôt qu'à une véritable reprise de l'activité industrielle.

– Production. La progression de la demande des ménages ne se transmet que de manière imparfaite au système productif. Les industriels, dont la situation financière s'est sensiblement détériorée (les marges ont chuté à 22,2 % contre 23 % en 1980 et 25 % en 1975), préférant d'abord jouer sur les stocks. L'indice de la production industrielle, même si sa fiabilité est sujette à caution, va lentement redescendre à partir du mois de janvier 1982. L'activité se maintient pour les produits de consommation, elle est beaucoup moins bonne pour les biens d'équipement et franchement mauvaise pour les biens intermédiaires (acier, chimie, etc.). Pire, il s'y ajoute la lente mais régulière dégradation du bâtiment et des travaux publics, le gouvernement ayant pris conscience un peu tardivement de la nécessité de relancer ce secteur triplement pénalisé par la hausse des taux d'intérêt, la réduction des avantages fiscaux et les nouveaux droits des locataires.

Le transfert d'activité sur l'industrie escompté par le gouvernement ne se produit pas. Malgré les aides financières accordées à l'industrie (plus de 34 milliards en 1982), l'investissement ne suit pas. L'enquête de l'INSEE auprès de 3 000 chefs d'entreprise, en mars 1982, montre que l'investissement aurait diminué de 10 % en volume en 1981, soit bien plus que ne le laissent paraître les chiffres de la formation brute de capital fixe (FBCF). Les prévisions laissent craindre une réduction plus forte encore pour 1982.

Parce que les effets de la relance de la consommation sont largement contrebalancés par la réduction des carnets de commande à l'exportation et la sourde opposition qui continue de sévir entre les chefs d'entreprise, adossés à une augmentation des coûts de production, et le gouvernement, adossé à ses engagements électoraux.

– International. Contrairement à ce qu'espérait le ministre de l'Économie, la demande mondiale non seulement ne se redresse pas, mais continue de fléchir jusqu'en fin juin. Principalement à cause de la politique monétaire américaine qui maintient sa pression sur l'appareil productif et sur les parlementaires opposés à la réduction des dépenses sociales qui soulagerait le déficit budgétaire américain. La hausse des taux d'intérêt et celle du dollar qui s'ensuit accentuent la récession, non seulement aux États-Unis, mais dans le reste du monde ; y compris au Japon et en Allemagne fédérale, malgré l'annonce d'un budget de relance. Partout, les prévisions de croissance économique sont en chute libre : moins 0,5 % aux États-Unis, moins 1 % en RFA pour 1982. Le déphasage de l'économie française et ses conséquences sur la monnaie ne vont plus tarder à se faire sentir.

– Prix. Le gouvernement français a certes marqué quelques points dans la lutte entreprise contre la hausse des prix. À fin février, sur les trois derniers mois, le rythme d'inflation annuel est revenu à 11,1 % contre 12,6 % un an auparavant. Mais, dans le même temps, la RFA a ramené le sien à 5,8 % et les États-Unis de 11,9 à 3 % ! Bien que les prix des produits industriels progressent moins vite que ceux des services et des produits alimentaires, la différence avec l'étranger et notamment avec l'Allemagne fédérale creuse dangereusement l'écart de compétitivité.