Journal de l'année Édition 1981 1981Éd. 1981

Commerce extérieur

Le gouffre

Plus sombre que jamais est la couleur du commerce extérieur français en 1980. Le déficit global toutes zones, matériel militaire inclus, constitue un véritable gouffre avec – 62 milliards de F en termes FOB : 552 milliards de F à l'importation, pour 490 milliards de F à l'exportation. Un tel solde négatif est plus de quatre fois et demie supérieur à celui de 1979 (– 13,5 milliards), et le taux de couverture des importations par les exportations descend de 96,9 à 88,8 %.

Les nouvelles hausses du prix du pétrole brut à l'importation, une pénétration accentuée des produits étrangers sur le marché intérieur et une exportation nationale se heurtant au recul de la demande dans les pays industrialisés (plus de 70 % des débouchés français) sont les facteurs qui expliquent l'aggravation de la situation.

Dans leur quasi-totalité, les grands partenaires des pays développés sont traversés par la morosité, la récession. Pour l'économie internationale, il est clair que 1980 est l'une des plus mauvaises années depuis la Seconde Guerre mondiale, avec son cortège d'inflation, de chômage, d'instabilité monétaire, de déséquilibre des balances des paiements.

En première ligne, les échanges commerciaux internationaux accusent, bien évidemment, le coup. Leur montant total — environ 2 000 milliards de dollars — est sans doute, en valeur courante exprimée dans la monnaie américaine, apparemment supérieur de plus de 20 % à celui enregistré en 1979. Mais, mesurée en volume, la croissance du commerce mondial n'atteint plus qu'à peine 1 % (contre 6 % entre 1978 et 1979), l'un des taux les plus faibles de tout l'après-guerre.

Réflexes

L'évolution en volume des échanges de pétrole (– 10 %), de produits manufacturés (+ 3 %) et aussi de produits agricoles (+ 4 %) explique la forte décélération, liée elle-même beaucoup plus à l'état de l'économie mondiale, caractérisée par une baisse de la demande globale et une incertitude élevée, qu'à des mesures effectives franchement protectionnistes, au demeurant relativement réduites (accords de limitation des exportations, surveillance des importations, etc.).

En fait, les pressions protectionnistes, réflexes d'une situation de crise et de concurrence avivée, se renforcent sensiblement dans de nombreux points du globe, sans pour autant encore conduire, par des dispositions restrictives draconiennes, à un blocage des courants d'échanges.

Ainsi, en volume, les importations des pays industrialisés diminuent de 2 %, tandis que leurs exportations augmentent de 3 %. Mais, avec – 80 milliards de dollars (plus du double qu'en 1979), leur déficit de la balance des paiements courants marque un record.

Les pays en développement producteurs de pétrole livrent moins de brut. En revanche, la valeur de leurs exportations (quelque 300 milliards de dollars) prospère de plus de 45 %, la forte hausse des tarifs pétroliers contrebalançant, bien au-delà, la baisse des tonnages exportés. Leurs importations progressent de 15 % en volume (30 % en valeur). Leur balance des paiements affiche donc un solde positif de 115 milliards de dollars.

Du côté des autres pays en développement non pétroliers, le déficit de la balance des transactions courantes grossit jusqu'à 50 milliards de dollars. Les prix à l'importation continuent de monter plus vite que le prix des produits qu'ils exportent. Les termes de l'échange se dégradent donc de nouveau. Les dépenses à l'importation s'accroissent de près de 30 % en valeur ; les recettes d'exportation de près de 25 %.

Enfin, en Europe de l'Est, où l'expansion économique est plutôt tempérée (+ 3 % environ), la progression en valeur des exportations globales (+ 15 %) est légèrement supérieure à celle des importations (+ 13,5 %).

Voilà dans quel environnement international peu engageant les échanges extérieurs français ont dû se mouvoir en 1980. Il est heureux que les grands travaux réalisés à l'étranger par les sociétés françaises soient venus à la rescousse du compte marchandises, en pesant dans la balance des services.

Surcoût

Les exportations, dans leur ensemble (490 milliards de F), pourtant bien épaulées par plus de 20 milliards de F de livraisons de matériel militaire, ne progressent que d'à peine 15 % par rapport à 1979. Évolution des prix mise à part, leur volume n'est en hausse que de 2,1 %. Parallèlement, les importations (552 milliards de F) font un bond en avant ce plus de 25 % en valeur et de 6,3 % en volume. Tant à l'entrée qu'à la sortie, on peut ainsi apprécier, par différence, l'effet de la forte hausse des prix.