Au Tchad enfin, la victoire du président Goukouni Oueddei sur son adversaire Hissène Habré, en décembre 1980, n'a pas ramené la paix. Querelles de personnes et visées libyennes ne cessent de provoquer de sanglants accrochages.

Intégrisme

En butte aux rivalités étatiques, les pays de la Oumma (Communauté islamique) sont en outre de plus en plus perméables à la contestation intégriste. En Iran, l'imam Khomeiny (Journal de l'année 1979-80) parvient difficilement à trancher entre le président de la République, Bani Sadr, et les religieux intégristes, qui dominent au gouvernement et au Parlement. La libération des otages américains, le 20 janvier 1981, ne permet pas à la République islamique de surmonter ses contradictions.

Autre manifestation du retour aux sources : en Iran, mais aussi au Pakistan et en Mauritanie, la législation, notamment le code pénal, s'inspire désormais du Coran. Flagellations et mutilations publiques se succèdent, à Islamabad et Nouakchott. Il est vrai que pour l'islam « la main qui dispense la justice est celle-là même qui manie l'épée ».

Tentés par l'exemple iranien, des groupes intégristes poursuivent, dans divers pays, leurs activités en vue d'instaurer un régime pur et dur. C'est le cas du Front national islamique iraqien, partiellement décimé par les autorités, des Frères musulmans, décapites en Syrie par une répression sans précédent, mais assagis en Égypte, où leur revue al Dáwa (« l'appel ») est diffusée à plus de 200 000 exemplaires.

En Malaysia et en Indonésie, des groupuscules fanatiques organisent des détournements d'avions, notamment fin mars 1981. Dans le nord du Nigeria, c'est un mouvement messianiste dirigé par un illuminé, Mohamed Marwa, qui suscite, le 19 décembre 1980, des émeutes, réprimées au prix de plus de 2 000 morts. Au Vatican, un Turc de 23 ans, membre d'une organisation d'extrême droite, blesse grièvement le pape, le 13 mai 1981.

Idéologies

Des divergences idéologiques et la lutte d'influence à laquelle se livrent les blocs occidental et soviétique creusent encore plus le fossé entre forces politiques et régimes des pays musulmans. C'est ainsi que le monde arabe est aujourd'hui divisé en trois clans :
– l'Égypte et ses alliés — Soudan, Somalie, Oman —, qui refusent de mettre le président Sadate au ban de la communauté arabe, malgré le traité de paix égypto-israélien ;
– le Front de la fermeté, qui rassemble les progressistes : Syrie, Algérie, Libye, Sud-Yémen et OLP ;
– les pays modérés : monarchies ainsi que l'Iraq et la Tunisie, notamment.

Ces clivages ne se manifestent pas seulement sur le plan politique. Au séminaire sur la pensée islamique, réuni à Alger dans la première semaine de septembre 1980, les thèmes débattus par les orateurs de 40 pays sont : Islam et doctrines sociales modernes et Perspectives de l'islam pour le XVe siècle de l'hégire. Les thèses défendues à cette occasion par les délégués saoudiens et algériens, par exemple, paraissent inconciliables.

Quelques mois auparavant, l'imam Khomeiny avait dû subir une attaque en règle de la part des autorités spirituelles marocaines, tunisiennes, saoudiennes, qui lui reprochaient des déclarations peu conformes au dogme religieux.

Comment s'étonner dès lors de l'absence de solidarité de la Oumma face aux agressions étrangères ?

La consécration de Jérusalem « réunifiée » comme capitale « éternelle » d'Israël, décidée par la Knesset le 30 juillet 1980, ne provoque dans le monde arabe que des réactions verbales. Le sommet d'Amman (fin novembre), auquel l'Égypte n'est pas conviée, est boycotté par six délégations et manque de dégénérer en épreuve de force syro-jordanienne.

L'invasion soviétique de l'Afghanistan, loin de susciter une mobilisation de la famille islamique, accentue les différends. La conférence internationale musulmane de Tachkent, organisée en septembre 1980 par les autorités soviétiques, rassemble les représentants de 11 pays, malgré l'appel au boycott lancé par l'Arabie Saoudite. Cette conférence s'achève, le 12 septembre, dans la plus grande confusion.

Minorités

Ailleurs dans le monde, des populations musulmanes minoritaires continuent de lutter en ordre dispersé pour faire prévaloir leurs droits : luttes séparatistes en Thaïlande et surtout aux Philippines, où les rebelles moros exterminent le 12 février 1981 un bataillon de l'armée ; heurts communautaires en Inde ; revendications indépendantistes ou fédéralistes en Érythrée (Éthiopie), à Chypre et dans la région du Kossovo (Yougoslavie).

Israélites

Les sociologues rapporteront, sans doute, que l'histoire des Juifs de France, en cette seconde moitié du xxe siècle, se divise en une période avant et une période après Copernic.