Le discours d'Ankara est fort bien accueilli dans l'ensemble du monde musulman. L'accueil est par contre beaucoup plus réservé en Turquie, où certains reprochent au pape d'être venu moins en homme religieux qu'en homme d'État et de n'avoir pas rencontré, lors de sa brève visite en Turquie, de représentants du monde religieux musulman.

France

La présence en France d'une forte minorité de travailleurs et d'étudiants musulmans, les tensions entre l'Occident et le monde arabe largement dominé par l'islām, des préoccupations religieuses, philosophiques ou politiques amènent à chercher des terrains de rencontre entre les deux civilisations. Ainsi, au mois de mars 1980 est créée à Paris la branche française de l'association internationale Islām et Occident. Selon son président, Jean-Pierre Fourcade, elle aura pour but de « développer les relations culturelles, humanistes, scientifiques et sociales entre les civilisations islamique et occidentale ».

Israélites

La publication du livre d'André Harris et Alain de Sédouy Juifs et Français dirige les feux de la rampe sur les Juifs de France, qui sont à la une des hebdomadaires dès la rentrée de 1979. Actualité quelque peu artificielle qui fait suite sans doute à la série télévisée Holocauste et à l'affaire Darquier de Pellepoix. Le relais est bientôt assuré par l'assassinat de Pierre Goldman. Si rien ne prouve que le meurtre de l'auteur des Souvenirs obscurs d'un Juif polonais né en France est une affaire antisémite, elle rappelle cependant la mise à mort — également non élucidée — de Henri Curiel, et bien des observateurs considèrent que la qualité juive de l'une et l'autre victime a rendu plus facile leur assassinat.

Mobilisation

Du point de vue de la mobilisation des Juifs de France, la première étape est franchie par la présence permanente au procès des trois responsables de la déportation juive de France, Kurt Lischka, Herbert-Martin Hagen et Ernst Heinrichsohn, qui s'ouvre le 23 octobre à Cologne.

En effet, au niveau sociologique et historique, on retiendra moins la condamnation, finalement sévère, que l'organisation d'une présence permanente, pendant les longues semaines où se déroule le procès, de délégations juives françaises à Cologne. Le 31 janvier 1980, c'est un train entier de Juifs parisiens qui arrive. Des cars viennent de province et, pour la première fois, des Juifs défilent dans une ville allemande.

La majorité des Juifs présents à Cologne sont des jeunes, et notamment des jeunes originaires d'Afrique du Nord. Au plan communautaire, la réunion des Juifs ashkénazes et séfarades dans le contexte particulier des souvenirs du génocide est sans aucun doute un signe d'unité.

Yasser Arafat, chef de l'OLP, est reçu, à Vienne, le 6 juillet 1979, par Bruno Kreisky et Willy Brandt. Bientôt, il sera l'hôte officiel de Lisbonne, d'Ankara, alors que l'Internationale socialiste accorde une attention de plus en plus vive à l'OLP. Le bruit court que Yasser Arafat pourrait être reçu officiellement à Paris. Jean François-Poncet ne rassure nullement les amis d'Israël en indiquant que la visite du chef de l'OLP ne présentait pas de problèmes de principe mais d'opportunité.

Hostilité

Les Juifs de France réagissent avec une forte hostilité à l'idée que le chef d'une organisation responsable des attentats dirigés contre la population civile d'Israël (ou des Juifs de la diaspora) et dont la charte exige la disparition de l'État d'Israël puisse, sans préalable, être reçu par le président de la République. L'amertume des Juifs français est d'autant plus forte que le chef du gouvernement israélien n'a toujours pas été reçu à Paris.

Réunis en assemblée générale extraordinaire sous l'égide du CRIF le 22 novembre 1979, les « représentants des communautés et organisations juives de France expriment solennellement leur opposition unanime à toute entreprise conduisant à une invitation officielle en France » de Yasser Arafat. Le communiqué du CRIF considère qu'une telle invitation « risquerait de créer les conditions d'un véritable divorce moral entre la communauté juive et le gouvernement ».