Cette offensive s'est heurtée à une vive résistance, et les dirigeants de Kaboul demandent à Moscou des renforts en hommes et en matériel. À Noël, un véritable pont aérien achemine en Afghanistan des troupes de combat et des équipements lourds. En même temps que son engagement total, l'URSS a décidé l'élimination du président afghan, jugé incompétent et peu attentif aux conseils du Kremlin.

Le 27 décembre, Babrak Karmal prend le pouvoir avec l'aide de l'armée rouge. Le putsch fait des centaines de morts ; des combats de rues ont lieu à Kaboul. La radio annonce qu'Hafizullah Amin a été exécuté après qu'un tribunal révolutionnaire l'eut condamné à mort.

Le président Carter dénonce « l'ingérence grossière » de Moscou, que Valéry Giscard d'Estaing qualifie « d'inacceptable », sans cependant se ranger aux côtés de Washington, qui entend aller « au-delà des mesures symboliques ». L'Assemblée des Nations unies vote, le 14 janvier 1980, par 104 voix contre 18 et 18 abstentions, une résolution présentée par 24 pays non alignés et demandant « le retrait immédiat, inconditionnel et total des troupes étrangères d'Afghanistan ». Plusieurs partis communistes européens, mais pas le français, condamnent l'intervention soviétique.

En fait, l'URSS était présente en Afghanistan depuis la révolution d'avril 1978. Ses conseillers contrôlaient presque tous les ministères ; elle fournissait un matériel militaire entretenu, et utilisé quand cela devenait nécessaire, par des spécialistes (artilleurs, pilotes, officiers des transmissions) venus de Moscou. Elle prend directement les choses en main, en affirmant qu'elle ne fait que répondre à l'appel d'un régime révolutionnaire confronté à une rébellion soutenue par l'étranger, notamment la Chine et les États-Unis, qui entraîneraient les maquisards dans des camps situés au Pakistan.

Sept divisions soviétiques (soit l'équivalent de 70 000 hommes) sont présentes en Afghanistan en janvier 1980 ; l'une d'elles est déployée le long de la frontière avec l'Iran. En avril, les spécialistes occidentaux affirment que l'armée rouge dispose sur place de 5 000 chars et véhicules blindés, ainsi que de missiles de moyenne portée, susceptibles de transporter des ogives nucléaires.

Comme son prédécesseur, Babrak Karmal commence par annoncer des mesures d'apaisement. Plusieurs milliers de détenus politiques sont libérés ; ces rescapés confirment que, sous les régimes d'Amin et de Taraki, les exécutions sommaires et la torture étaient pratiques courantes.

Représailles

Mais les prisons se remplissent de nouveau, surtout après les émeutes antisoviétiques qui éclatent à Kaboul, malgré la loi martiale, en février, en avril et en mai. Il apparaît que la libéralisation n'était qu'une manœuvre de diversion quand Babrak Karmal appelle à la guerre totale contre les ennemis. Pour vaincre les résistances, il autorise les Soviétiques à prendre le contrôle direct de certaines régions ou villes, telle celle d'Hérat. L'armée rouge utilise tous les moyens contre les maquis (bombes à billes, napalm, gaz paralysants), ce qui provoque la révolte de certaines unités afghanes, restées fidèles au régime, qui finissent par déserter avec leur armement.

L'armée soviétique étend son emprise sur tout le pays, y compris dans le Nord, où la guérilla n'est pas très active mais où les populations restent foncièrement anticommunistes. Habitée par les Hazaras, de religion chiite, la région du centre est pratiquement soumise à un blocus. Une révolte ayant éclaté à Bamiyan, Kaboul riposte en affamant les Hazaras.

Cependant, les combats ont surtout lieu au Nouristan et dans les régions habitées par les Pachtouns. Les bastions de la résistance se trouvent dans la province du Paktia et dans celle du Khunar. Bien que de nombreuses localités aient été rayées de la carte par l'aviation dans les vallées du Khunar, les maquisards sont en mesure d'y accueillir et d'y faire circuler des journalistes occidentaux en avril.

Fuyant la guerre et les représailles soviétiques, les réfugiés arrivent au rythme de plusieurs milliers par jour au Pakistan. Sans qu'il soit possible de parler de véritables camps d'entraînement, les chefs des mouvements de résistance installés à Peshawar, au Pakistan, cherchent à recruter des combattants parmi ces réfugiés.

Résistance

Encouragés à s'unir par les représentants des pays islamiques lors du sommet d'Islamabad le 28 janvier 1980, cinq des principaux mouvements de résistance constituent une alliance en mars. Ce sont le Jamiyat-i-islami (rassemblement islamique) dirigé par Burhaned-din Rabbani ; le Front de libération islamique d'Afghanistan de Syed Ahmed Gilani ; le Mouvement de la révolution islamique de Mohamed Mujadeddi ; le Mouvement révolutionnaire islamique d'Afghanistan de Nabi Mohammadi ; le Hezb-i-islami (parti islamique), groupe Qales, du nom de son animateur, qui s'est séparé d'une autre tendance, dirigée par Gulbuddin Ekmatiar, lequel a refusé de se joindre à l'alliance parce qu'il estime trop imprécis le rôle et la place de chacun en son sein.