Journal de l'année Édition 1977 1977Éd. 1977

La question alimentaire mondiale

La crise de l'énergie et ses retombées ont éclipsé une question fondamentale : comment nourrir (demain) les habitants de la planète Terre ?
Le bilan connu de la dernière grande famine (celle du Sahel, avec ses 200 000 morts) remonte à 1972-1973. Les pays victimes récentes du fléau (Chine, Éthiopie, Congo, Inde...) gardent secrètes leurs macabres statistiques, qui sans doute se chiffrent par millions. Or la question se pose : de telles situations peuvent-elles se reproduire ?

Dossier
La famine est-elle pour demain ?

Cette interrogation peut paraître saugrenue alors que les récoltes mondiales de ces dernières années ont été, dans l'ensemble, bonnes et que l'on parle plus fréquemment, dans les nations occidentales, d'excédents que de sous-production. Pourtant, la sécheresse qui a affecté certaines régions d'Europe constitue un sérieux avertissement. En matière de production agricole, rien de définitif n'est, dans la conjoncture actuelle, jamais acquis.

C'est d'autant plus vrai que l'on maîtrise encore difficilement les statistiques publiées ici et là. Pour des raisons politiques ou autres, certains pays ne révèlent aucun chiffre et se livrent à des approximations interdisant toute prévision sérieuse. C'est le cas des pays d'économie planifiée et des pays dont les infrastructures administratives sont encore insuffisantes.

Malgré les difficultés, études et réunions se multiplient à travers le monde, et, dans la plupart des cas, les conclusions convergents : si la croissance de la population se poursuit au taux actuel, certains pays connaîtront une famine durable avant la fin du siècle, avec les conséquences politiques internationales que suppose cette éventualité, devenue insupportable à notre époque.

Démographie

La population du globe va-t-elle poursuivre sa progression ? Elle est passée de 1 milliard d'hommes, en 1850, à 2 en 1930, pour atteindre 4 milliards en 1977. Si l'on en croit, notamment, Maurice Guernier, du Club de Rome, Joseph Klatzmann, économiste, et A. Sauvy, sociologue, la population avoisinerait 7 milliards en l'an 2000.

Chiffre exagéré selon certains ; pour Pierre Longone, de l'INED (Institut national d'études démographiques), la situation présente résulte d'un accident passager : l'application des règles médicales et sanitaires en usage dans les pays occidentaux aux populations ayant conservé, pour leur reproduction, des habitudes ancestrales. Pour Lester Brown, directeur de l'Institut de la Veille mondiale, la population ne dépasserait pas 5,5 milliards. Ce qui fait une sérieuse différence.

Les experts des Nations unies estiment que, vers le milieu du siècle prochain, l'explosion démographique sera terminée, la population mondiale ayant atteint un équilibre définitif.

Mais ces divergences s'atténuent lorsqu'on retient l'horizon 1985. Les diverses variantes étudiées par les Nations unies, par exemple, donnent une fourchette allant de 4,695 milliards d'humains à 4,960. Ces prévisions se fondent sur un accroissement sans précédent de la démographie : 2 % par an.

Besoins

Cet accroissement entraînera inéluctablement une augmentation de la demande alimentaire, même en supposant que la consommation individuelle reste identique à celle d'aujourd'hui.

Globalement, le cas est prévisible dans les pays développés, qui connaîtront, toutefois, des transferts entre produits chers ou bon marché en fonction de l'évolution des revenus et de l'urbanisation. Les citadins, dont la population croît de 3 % par an contre 1,3 % pour les ruraux, consommeront moins de calories mais beaucoup plus de protéines que ces derniers.

En 1985, dans les pays développés, à quelques exceptions près, la demande sera inférieure à l'offre, notamment pour les céréales. L'accroissement potentiel de la production dépendra des besoins d'importation des pays à économie planifiée et des pays en développement.

Dans les pays en développement, si les revenus des consommateurs augmentaient de 1 % par an, la demande alimentaire augmenterait, elle, de 10 % en volume. Pour quel produit ? La question est difficile, car la demande fluctue énormément en fonction des revenus.