Mise en scène : Jean-Jacques Annaud / Scén. original / Images : Claude Agostini / Musique : Pierre Bachelet / Interpr. : Jean Carmet, Jacques Dufilho, Jacques Spiesser / (AMLF).

VIOLETTE ET FRANÇOIS* (F)

Mise en scène : Jacques Rouffio / Scén. original : Jean-Loup Dabadie / Images : Andréas Winding / Musique : Philippe Sarde / Interpr. : Isabelle Adjani, Jacques Dutronc, Serge Reggiani / (Gaumont).

Chansons

Les jeunes talents ne portent pas ombrage aux vétérans

Fallait-il craindre l'inondation ? C'est la question que l'on se pose à la fin de la saison 1976-1977 de la chanson française. Le marché du disque s'accroît sans cesse, surtout dans le secteur de pointe dit « de variétés ». Mais il semble bien que le public lui-même s'élargisse. Plus de spectacles, plus d'enregistrements, plus d'artistes, plus d'auditeurs aussi. La production dépasse tout de même de beaucoup la consommation, et ce n'est pas la moindre désillusion de nombreux talents naissants.

Vétérans

Car les valeurs sûres demeurent bien en place : Georges Brassens s'installe sur la scène de Bobino, à Paris, pour cinq mois consécutifs. C'est sans précédent. Fidèle à sa propre tradition, il n'occupe que la seconde partie de son spectacle, avec des chansons qui ne manifestent pas de variation dans le choix des thèmes et des cibles : Tempête dans un bénitier donne sa version des combats autour de la messe en latin. Don Juan fait la part du compromis entre conquérants de l'amour et conquises. Trompe-la-mort, enfin, c'est lui qu'on enterre trop vite et qui revient sans cesse. Avec lui se révèlent pour de bon Jean Sommer et Jacques Yvart, et reviennent pour un temps le nostalgique Pierre Dudan et le tendre Pierre Louki.

Brassens laisse, en mars, la place au Québécois Gilles Vigneault, qui « parle de plus en plus », selon son propre aveu, et propose des œuvres de sève nouvelle dans un tissage de contes et de monologues qui met son spectateur dans le bain de « son pays d'hiver » et « ses gens de causerie » qui « parlent pour s'entendre ».

Guy Béart, quant à lui, occupe le théâtre des Champs-Élysées pendant plus d'un mois avec les chansons d'amour et d'espérance et mobilise les amateurs de refrains avec ses variations sur la rime d'Amsterdam.

Claude Nougaro, enfin triomphant, et Georges Moustaki, toujours l'âme en voyage, tiennent l'Olympia sous le charme du jazz et de la samba pendant plusieurs semaines.

Dans un autre registre, Adamo effectue un retour qui fait plaisir à ses admirateurs restés nombreux, tandis que deux jeunes grands montrent combien ils sont capables d'être de vrais professionnels du spectacle : Maxime Le Forestier, qui surprend ses amis, au cirque d'Hiver, par ses dons scéniques ; et Julien Clerc, qui, au palais des Sports, organise une fête de la lumière et du son, maîtrisant une machinerie sonore et lumineuse perfectionnée, sans complexe à l'égard du show qui fait fureur en Amérique du Nord.

Tubes

Valeurs consacrées, talents confirmés, la chanson tourne à pleins disques. Les succès eux-mêmes semblent avoir quelque chose à dire. Au creux des vacances, la chanson du film Cria Cuervos devient le tube de l'été, la scie qui circule de lèvres en lèvres d'une manière irrésistible. C'était inattendu, surtout pour sa jeune interprète, Jeannette, qui l'avait enregistrée quelques années plus tôt. Porque te vas, « Pourquoi t'en vas-tu » ? Beaucoup revoient sur ces mots le visage de la petite héroïne du film. Sur le même tableau d'honneur de l'été, une autre chanson, signée Alain Souchon, remporte les suffrages : Bidon, un refrain qui ne se prend pas au sérieux, qui exprime sur le mode comique le déphasage qui existe entre le héros à bon marché, le frimeur, et ses modèles.

L'amour heureux, style Jo Dassin (À toi), ou malheureux, façon Gérard Lenorman (Voici les clés), fait toujours les beaux jours de la chanson populaire à succès, de la rengaine à la mode. La haine et la vengeance, aussi, hélas ! Au moment du procès de Patrick Henry, l'infanticide de Troyes, Michel Sardou clame sur un nouveau disque : Je suis pour... la peine de mort pour les assassins d'enfants. Ce refrain partage l'opinion pendant quelque temps et suscite des chansons qui défendent la thèse opposée (Je suis contre, de Jean-Claude Annoux). Michel Sardou renforce ainsi son image de chantre de l'ordre établi, ce qui lui vaut quelques déboires au cours d'une tournée en France et en Belgique. À plusieurs reprises, il est attendu, à la porte des théâtres, par des manifestants qui lui reprochent ses opinions. Lassé par cette polémique, il interrompt cette série de galas et prépare son tube suivant : Le temps des colonies.

Lieux nouveaux

Ce qui est remarquable, cette saison, c'est la place naturelle que la chanson prend de plus en plus dans la programmation des théâtres et des centres culturels. Le Théâtre de la Ville, à Paris, donne l'exemple depuis quelques années, et apporte une consécration attendue à plusieurs artistes persévérants, connus et généralement célèbres en province et même à l'étranger. Ainsi Nicolas Peyrac (Et mon père, Je pars), Marie-Paule Belle, la malicieuse interprète des chansons qu'elle compose avec Françoise Mallet-Jorris (La parisienne), le Wallon Julos Beaucarne et ses chansons de santé, Bernard Lavilliers, poète électrique et puissant (Berceuse pour une shootée), l'Occitan Joan-Pau Verdier, converti au rock and roll (Tabou le Chat). Et surtout Colette Magny, qui fête cette année ses quinze ans de métier et de succès à l'écart des médias de grande diffusion : son militantisme et son franc-parler ont toujours effarouché les programmateurs et les animateurs.