Consommation

Sur les chemins escarpés de l'arsenal juridique

Législateurs, juristes, magistrats, avocats parviendront-ils à créer en France un « droit de la consommation » digne de ce nom ? Une lacune existe là, qui apparaît cette année avec plus de force peut-être parce que des juristes ont commencé à s'intéresser à ce thème.

Mais il existe encore des vides législatifs et réglementaires que des parlementaires et des fonctionnaires s'emploient à colmater, au gré des nécessités de l'heure.

Vétérinaire

Le projet de loi sur la pharmacie vétérinaire, adopté en première lecture le 13 juin 1974 à l'Assemblée nationale et le 21 novembre 1974 au Sénat, et inscrit, pour ultime mise au point, à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale du 4 avril 1975, avait été retiré à la demande du gouvernement.

Selon le rapporteur du projet, Julien Schvartz, député UDR de Moselle, cette décision a été prise « après l'intervention de J. Chinaud et M. Lejeune, respectivement présidents des groupes des Républicains indépendants et des Réformateurs, à la demande du représentant de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture ».

Ce projet de loi est finalement adopté à l'unanimité par le Parlement le 21 avril 1975. Il touche de très près les consommateurs, comme l'a souligné J. Schvartz dans son rapport : « D'après une étude du professeur Gounelle, présentée le 7 mars 1972 à l'Académie de médecine de Paris, sur les ventes du commerce, 58 % des porcs, 36 % des veaux et 7 % des bœufs dans les abattoirs présentaient des résidus de produits à activité antibiotique... ».

« L'abus des hormones anabolisantes, des antibiotiques, des tranquillisants, des adjuvants de l'alimentation du bétail laisse inévitablement des résidus dans les denrées d'origine animale et risque à long terme de créer un danger surpassant celui des maladies microbiennes », a pu dire le professeur Ch. Labie, lors d'un dernier congrès des vétérinaires.

Il existe des lois pour l'utilisation des médicaments sur les animaux destinés à l'alimentation humaine : l'emploi des œstrogènes de synthèse (susceptibles de déclencher de sérieux accidents de santé chez l'être humain) est interdit, et celui des antibiotiques (qui favorisent l'apparition de souches microbiennes résistantes aux traitements antibiotiques des maladies humaines) est très sévèrement réglementé.

Tout irait bien si seuls les vétérinaires commercialisaient ces produits, et s'ils n'étaient utilisés que pour soigner les maladies du bétail. Mais certaines de ces substances (implants hormonaux chez le veau, antibiotiques) favorisent une croissance accélérée des jeunes animaux, ce qui permet une rentabilisation plus rapide des investissements des éleveurs et, par là même, une amélioration de leurs revenus. La vente de ces médicaments, sous leur forme thérapeutique, s'effectue seulement sur ordonnance, en pharmacie ; mais leur vente est libre au stade industriel (ils sont considérés comme des produits chimiques).

Fraude

On imagine le parti que des professionnels indélicats ont su tirer de cette réglementation. La pratique du colportage se répand de plus en plus. Des représentants de commerce (en engrais, en matériels agricoles...) proposent à l'éleveur, pour enlever un marché, certains de ces adjuvants, sans bien souvent attirer son attention sur les précautions à observer et sur les délais à respecter avant l'abattage.

D'autres se spécialisent dans la vente au porte-à-porte de ces produits. Selon S. Veil, ministre de la Santé, 60 % des produits de pharmacie vétérinaire sont vendus par colportage ou par correspondance. Le projet de loi limite désormais les possibilités de fraude en réservant, dès le stade industriel, la fabrication et la commercialisation des produits en cause aux seuls pharmaciens et vétérinaires. Des dérogations sont admises (les vétérinaires les jugent excessives) en faveur notamment de quelques groupements de producteurs et de certaines associations d'éleveurs.

Cosmétiques

Un autre projet de loi reste encore en suspens : celui réglementant la fabrication, la commercialisation, la composition, l'étiquetage et le contrôle des produits cosmétiques. Depuis la sinistre affaire du talc Morhange (Journal de l'année 1972-73), qui causa la mort de plus de 40 bébés, on espère un texte de cette nature.